Lautomne. On voit tout le temps, en automne, Quelque chose qui vous étonne, C'est une branche, tout à coup, Qui s'effeuille dans votre cou. C'est un petit arbre tout rouge, Un, d'une autre couleur encor, Et puis, partout, ces feuilles d'or. Qui tombent sans que rien ne bouge. Nous aimons bien cette saison, Mais la nuit si tÎt va descendre ! Retournons vite à
Avoir le goĂ»t des formes brĂšves, des livres peu Ă©pais – on dit parfois “plaquettes”, sans que l’on sache si c’est en lien avec le beurre ou avec le sang. Aimer les pages envahies de blanc, pas nĂ©cessairement de poĂ©sie – mais c’est en ce domaine qu’on en trouve le plus. Avoir le goĂ»t d’accumuler ces petits ouvrages, parfois dĂ©licatement fabriquĂ©s Ă  la main jusqu’à former de sacrĂ©es piles, devenues “monstres” n’oublions pas ce titre trouvĂ© par Jean-Pierre Faye en 1975 pour le n°23 de Change Monstre poĂ©sie. Adorer aussi les “pavĂ©s” dĂ©bordant de matiĂšre que l’on a du mal Ă  refermer avant de les avoir finis. RĂȘver que toute bibliothĂšque contienne des livres de formats et d’épaisseurs diffĂ©rents certains ne pesant que quelques grammes, d’autres, au contraire, intransportables – dont on demande quelle machine a bien pu les imprimer. Le marchĂ© de la poĂ©sie s’est enfin tenu en plein air sous un vent d’automne parfois ravageur – mais aussi sous un soleil froid. Quelques nouveautĂ©s ou non, dues Ă  des autrices et des auteurs que le bĂątisseur de constellations n’a jamais rencontrĂ©s, ont retenu son attention une autre suivra avant la fin de l’automne. High time to Start ! 1. Pour commencer, un livre qui se dĂ©tache par son volume, son ambition, sa nĂ©cessitĂ©, sa rĂ©ussite Format AmĂ©ricain, l’intĂ©grale 1993-2006, publiĂ© aux Éditions de l’Attente sous la direction de Juliette ValĂ©ry. 1120 pages, pas moins – Ă  la mĂ©moire d’Emmanuel Hocquard. Non seulement le rassemblement d’une somme difficilement accessible, mais complĂ©tĂ©e par quelques inĂ©dits. Dans son introduction, Juliette ValĂ©ry Ă©crit “J’ai lu rĂ©cemment que les impressions issues des photocopieurs laser sont vouĂ©es Ă  l’effacement en quelques dĂ©cennies. La poudre noire qui tient lieu d’encre, qu’un processus de cuisson fait adhĂ©rer au papier, va s’en dissocier, redevenant poussiĂšre en quelque sorte, et en secouant les Format AmĂ©ricain on obtiendra des cahiers blancs.” Aussi fascinant que terrifiant ! Heureusement, de nouvelles machines ont pris le relais et ce pavĂ© de 5,2cm d’épaisseur, impeccablement rĂ©alisĂ© – souple, solide et pas trop lourd –, tient toutes ses promesses le tenant agrĂ©ablement en main, je remarque le bruit trĂšs particulier que fait le papier quand on en dĂ©roule rapidement les cahiers. On ne va pas raconter toute l’histoire de cette sĂ©rie particuliĂšrement discrĂšte, mais mĂ©morable pour qui s’intĂ©resse Ă  la poĂ©sie amĂ©ricaine contemporaine – Juliette ValĂ©ry ajoute “Il faut aussi laisser les livres parler tout seuls”, je suis bien d’accord avec elle. Mais rappelons que cette belle histoire est le fruit de nombre de sĂ©minaires de traduction collective de poĂ©sie amĂ©ricaine qui eurent lieu au “Centre de poĂ©sie & traduction” de la Fondation Royaumont. Petit rappel des faits “1992. Peu aprĂšs la parution de 49+1 Nouveaux poĂštes amĂ©ricains, Emmanuel Hocquard me fait part de son idĂ©e de lancer une collection, de bulletins peut-ĂȘtre, afin de publier des traductions de sĂ©ries de poĂšmes ou textes brefs, des petites formes de fabrique rapide, auto-produits, faciles Ă  diffuser par la poste. Une sorte d’anthologie ouverte, in progress, qui s’augmente au fur et Ă  mesure des dĂ©couvertes de textes, des propositions des traducteurs
, laissant place Ă  l’imprĂ©vu, par une mise en Ɠuvre plus fluide et lĂ©gĂšre que l’imprimerie traditionnelle” Ă©crit Juliette Valery qui “accepte de prendre en main la collection” pour laquelle Emmanuel Hocquard a dĂ©jĂ  trouvĂ© un nom Format AmĂ©ricain en rĂ©fĂ©rence au papier machine standard US. Écoutons-la encore quelques instants “Entre deux portes de la grande salle dĂ©serte, haut dans les Ă©tages Ă  Royaumont, trĂŽne la machine. Jusque tard dans la nuit, imprimer, verso aprĂšs recto. RĂ©gler le contraste, tenter de caler au plus prĂšs le registre, l’alignement du miroir, de contrer l’approximation du copieur de bureau ; surveiller chaque sortie, guetter la surchauffe, les “bourrages papier.” “Comme tout imprimeur ou garagiste, finir par connaĂźtre la machine au son.” Quelque chose d’à la fois commun dans sa fabrication et de relativement prestigieux par son contenu et sa mise en page. TrĂšs sĂ©lectif et en mĂȘme temps ouvert les grands noms de la poĂ©sie amĂ©ricaine de l’aprĂšs-guerre y sont, de John Ashbery Ă  Charles Bernstein, de Jack Spicer Ă  Suzan Howe, de George Oppen Ă  Cole Swensen, de Robert Creeley Ă  Keith et Rosmarie Waldrop – et beaucoup d’autres, dont quelques inconnues que l’on a d’autant plus plaisir Ă  dĂ©couvrir. On ne donnera pas la liste des traducteurs qui ont travaillĂ© apparemment en bonne entente, mais on prĂ©cisera que l’édition n’est pas bilingue on n’y trouvera que le texte français donnĂ© en tant que re-crĂ©ation et, si nous ne pouvons juger de sa fidĂ©litĂ© Ă  l’original, il nous est possible d’apprĂ©cier comment ça sonne ou non dans notre langue ; par exemple, ce poĂšme de Robert Creeley traduit de l’amĂ©ricain par Jean-Paul AuxemĂ©ry “ATTENTE Comptais-tu les jours d’à prĂ©sent jusque alors et jusqu’oĂč pour trouver quoi, qui n’était pas connu depuis toujours ?” Emmanuel Hocquard “À mes yeux, la contribution des traductions de poĂ©sie amĂ©ricaine d’aujourd’hui Ă  la littĂ©rature française d’aujourd’hui consiste Ă  1 fabriquer de la distance dans un espace-temps en voie de resserrement incessant ; 2 dire la distance ; 3 rĂ©introduire des taches blanches » dans un contexte gĂ©nĂ©ral de coloriage.” Il faudrait aussi parler du travail plastique de Juliette ValĂ©ry en ce qui concerne les couvertures de cette collection, toutes reproduites, et dont l’autrice Ă©tablit aprĂšs son introduction une brĂšve chronique de leur conception. On ne lirait pas avec autant de plaisir cet ouvrage si le travail de rĂ©alisation graphique n’était aussi sobre et pertinent. Format AmĂ©ricain © L’Attente. Quittons-nous avec la premiĂšre page d’un poĂšme de George Oppen, traduit par Pierre Alferi toute premiĂšre publication de cette collection “Format AmĂ©ricain” ou, si on prĂ©fĂšre, Format amĂ©ricain / Un bureau sur l’Atlantique en 1993 “Une ville d’entreprises Sous-verre De rĂȘve Et d’images – Et la joie pure Du fait minĂ©ral Pourtant impĂ©nĂ©trable Comme le monde, s’il est matiĂšre, ImpĂ©nĂ©trable.” 2. Le plaisir qu’apporte la lecture d’un livre – quel que soit son format ou son Ă©paisseur – n’est pas proportionnel Ă  la quantitĂ© de commentaires qu’elle suscite. Rien de mesurable, au fond. On sait qu’il y a eu dĂ©charge de plaisir et on voudrait juste faire passer l’idĂ©e que ce qui l’a provoquĂ©e vaut la peine d’ĂȘtre partagĂ©, en tant qu’expĂ©rience et sans la contraindre. S’il y a potentiellement contamination de “critique” Ă  futur lecteur ou lectrice, le processus doit rester mystĂ©rieux – le premier cherchant Ă  convaincre le ou la seconde sans lui fournir la moindre explication de texte. Aussi doit-on, plutĂŽt que d’en rajouter, opĂ©rer des montages, faire des coupes, Ă  partir de ce qu’on a mĂ©morisĂ©, ou annotĂ©. Et si on veut se lancer dans l’exĂ©gĂšse de tel ou tel poĂšme, ne pas avoir peur de fournir dix fois plus de signes que n’en a l’ouvrage examinĂ©. Une bibliothĂšque entiĂšre pour un seul sonnet ? Pourquoi pas. On peut aussi prendre le temps de dire pourquoi on ne dira rien ; c’est au fond assez plaisant mais, Ă  un moment, il faut arrĂȘter, prendre distance, s’effacer et simplement recopier quelques vers ; par exemple ceux-ci
 “Automne vivant et adorĂ© malgrĂ© mouches gavĂ©es de nuit derriĂšre la vitre entrent contre la lampe, le nouveau froid, pinçons, Ă©toile lune-contre, Ă©toile lune-avec, gobent une veste de jardinier, et, lui, vole, au, sommet, nage lĂ -haut tresse une robe Ă  tout entourĂ©e, lianes arbre air” 
 empruntĂ©s au livre d’HĂ©lĂšne Sanguinetti, Et voici la chanson, publiĂ© dĂ©but octobre 2021 par les Ă©ditions Lurlure dirigĂ©es par Emmanuel Caroux. “L’oreille voit et l’Ɠil entend” on ne dira pas le contraire. “La recherche visuelle et sonore, l’inventivitĂ© de l’écriture donnent naissance Ă  une polyphonie de voix Ă©miettĂ©es en sĂ©ries de lancers, Ă  un Ă©clatement de la parole, parfois jusqu’à sa mise en poudre.” On n’aurait pas trouvĂ© nous-mĂȘme ces mots pour l’exprimer, mais ils nous conviennent. Comment paraphraser ce qui n’est pas paraphrasable ? Autant se jeter la tĂȘte contre les murs. PlutĂŽt recopier quelques vers supplĂ©mentaires les tous premiers, par exemple “la parole se cassa parmi les pierres avait roulĂ©, Plusieurs Ă©clats brillants d’autres terreux et des lamelles ramassant des pierres oĂč elle gisait morte Ă  moitiĂ© cherchant des Ă©clats nouveaux d’autres cĂŽtĂ©s terreux et dit Chanson va ! roule et se Cassant se rĂ©veilla” Et voici la chanson est le poĂšme de l’histoire de Joug et Joui qui sont “le jour et la nuit, la lune et le soleil, l’eau et la soif, Éros et Thanatos, mais aussi bien le MĂ©chant et le Gentil des contes, le malheur et la chance, douleur et plaisir, elle et lui, tantĂŽt lui, tantĂŽt elle, tout le monde, personne.” C’est ce qu’on lit, en caractĂšres blancs sur fond rouge, sur la 4e de couverture. Et c’est prĂ©cisĂ©ment et qui donne envie d’ouvrir ce nouveau livre d’HĂ©lĂšne Sanguinetti dont on n’a pas oubliĂ© ceux publiĂ©s chez “PoĂ©sie/Flammarion”. Une petite centaine de pages bien davantage qu’une plaquette en apparence sages, mais montrant une certaine invention typographique, peu spectaculaire, mais agissante – l’Ɠil Ă©tant un peu plus sollicitĂ© que d’ordinaire. Il arrive parfois que, parcourant une page, ou une sĂ©quence, une musique naisse intĂ©rieurement Ă  partir des mots que l’on dĂ©couvre, et que cette rencontre entre musique et paroles finisse par composer une chanson qui ne sera jamais la mĂȘme d’une lectrice, ou d’un lecteur, Ă  l’autre et pas davantage celle que l’autrice aurait pu avoir en tĂȘte au moment d’écrire. Ce que nous possĂ©dons probablement en commun le goĂ»t d’un certain silence et bien davantage encore, le besoin de respirer, ou de manifester telle ou telle humeur
 “Voici la Chanson qui fait pleurer / de joie Tu pleures oh pourquoi pleure ? n’ai pu / prendre tous les chemins humains Ă  la fois / oh lĂ  lĂ  un seul humain et ta main Il n’y a pas lieu de se lamenter Il n’y a pas lieu de se lamenter Il y a une libellule Il y a une libellule Elle grĂ©sille Elle grĂ©sille” DeuxiĂšme livre paru chez Lurlure Je t’aime comme de MilĂšne Tournier. Cette fois la 4e de couverture est signĂ©e par l’autrice. J’en reprends ces fragments “J’ai souhaitĂ©, avec ce double leitmotiv aimer et comme – je t’aime comme – Ă©pouser le tout ordinaire » des lieux et des villes, en les regardant avec les yeux de l’amour transi [
] Du topos de la dĂ©claration d’amour, j’ai voulu surtout conserver l’acte, Ă©trange et sublime, de la dĂ©claration”. Si on recopie la Table en fin de volume, on obtient une suite assez Ă©tonnante, dont voici l’ouverture “Je t’aime comme
 un abattoir / 
une agence d’intĂ©rim / 
une agence de transfert d’argent / 
une agence de voyage / 
 un ascenseur / 
un atelier de retouche / 
une auto-Ă©cole / 
une autoroute” ; et la toute fin “
une salle de sport / 
un salon de coiffure / 
un salon de tatouage / 
un sex-shop / 
un skatepark / 
un stade / 
une tour de bureau la nuit / 
les travaux dans la petite rue / 
un trottoir / 
un zoo”. On le voit, l’ordre alphabĂ©tique est respectĂ©. Et, Ă  chaque proposition, un certain nombre de variations au total plus ou moins 1600, sur une petite page comme sur plusieurs deux ou trois. Exemple “JE T’AIME COMME UN MARCHÉ NOIR Je t’aime Ă  la sauvette. Je t’aime comme une rĂ©plique de Chesterfield, et donner son 06 Ă  mĂȘme le mur, pour que le passant sache oĂč nourrir son addiction. [
] Je t’aime, le marchĂ© noir n’affiche pas ses prix comme panonceaux piquĂ©s dans les courges mais les claironne en chuchotant Rolex, Rolex, 20 euros la Rolex ! » Je t’aime comme les quinze montres s’entrechoquent au poignet. [
] Je t’aime comme un marchĂ© trouble. Je t’aime authentique, pas la contrefaçon de luxe au faux cuir et faux poinçon. [
] Je t’aime comme un jackpot de misĂšre, de quoi survivre seulement une vie avec toi. Je t’aime comme le ciel bleu au-dessus du marchĂ© noir. Je t’aime comme, parmi les Ă©toiles, certaines, c’est sĂ»r, sont tombĂ©es du camion. [
] Je t’aime comme nos rĂȘves ne seront jamais mauvaises copies de faussaires.” Il faut tenir la durĂ©e, avoir du souffle, ce que possĂšde assurĂ©ment MilĂšne Tournier. Combien se sont Ă©puisĂ©s, et ont Ă©puisĂ©s leurs lecteurs, Ă  enchaĂźner les variations plus ou moins minimales sur une simple proposition
 LĂ , ce n’est pas le cas, on en redemanderait presque. Par moments, j’entends comme une remise en jeu du “beau comme” de LautrĂ©amont. Vieille histoire, mais toujours vaillante rien de morbide Ă  la reprendre, mĂȘme si “Je t’aime comme les morts couchĂ©s Ă  nos pieds.” L’autrice nous rĂ©vĂšle aussi toujours en 4e de couverture qu’elle a “aimĂ© tard dans [sa] vie.” “Je veux dire, c’est tardivement et rĂ©cemment que je me suis mise Ă  aimer. Sans doute y avait-il de l’amour en attente de dĂ©ferlantes qu’il a fallu nĂ©cessairement dĂ©river pour que, sans accabler un seul destinataire, il se rĂ©pande sur la ville toute [
], parce que les villes sont inĂ©puisables – si l’amour pas toujours.” Comment pourrait-on ne pas aimer ce livre qu’il nous faut Ă  notre tour Ă©puiser, non seulement en en relançant la lecture, partielle ou non, mais aussi en y ajoutant nos propres propositions – par jeu et par plaisir. Pour ne pas en finir. 3. Maintenant deux livres publiĂ©s au Cadran lignĂ©, la maison d’édition de Laurent Albarracin. Le premier est – nous souffle ce dernier – trĂšs “savitzkayen” on se souvient que Le Cadran lignĂ© a publiĂ© Ode au paillasson d’EugĂšne Savitzkaya. Il s’agit de L’Oiseux suivi de ExcrĂ©ment prĂ©cieux de Victor Rassov. Deux poĂšmes donc. L’Oiseux s’étendant sur 54 pages composĂ©es chacune d’une strophe de six vers ; ExcrĂ©ment prĂ©cieux sur 28 pages, [id.] mais cette fois de neuf vers. On peut donc en faire la lecture d’un seul trait, ce que j’apprĂ©cie, avant d’y revenir pour s’attarder sur certains dĂ©tails. Relevons quasi au hasard le premier mot ayant probablement influencĂ© le “coup de ciseaux” une strophe “L’automne aux tempes et pour gouge une ellipse, l’Oiseux cisĂšle un grain de sable mouvant.” Animal qui, “s’il possĂšde certaines qualitĂ©s du moineau, est incomparablement plus fourbe”, l’Oiseux “fait dans la hantise.” “Lui couper l’air sous l’aile, abattre l’arbre qui cache la forĂȘt au fond de laquelle il se terre telles sont les visĂ©es des poĂšmes rĂ©unis dans L’Oiseux. Une traque, donc, avec ce que cela comporte de rĂȘverie et d’errance, de longs aguets sous les taillis, le nez dans la matiĂšre.” Autrement dit, il ne faut pas remiser ses – cinq ou six – sens au placard ne pas lire seulement en ouvrant grand les yeux
 “Faune grĂȘle / Ă  peu prĂšs ce qui s’affaisse / en direction du ciel / les boues sĂ©parĂ©es / tracent les possibilitĂ©s du magma sur la route / en redemanderait-on / qu’on se verrait servi / chaque lampĂ©e / possĂšdera son buveur.” Sentir et toucher, ouĂŻr et goĂ»ter, se projeter Ă  deux pas de l’asphalte, dans cette jungle Ă©trangement Ă©clairĂ©e oĂč nous sommes comme chez nous, tout en Ă©tant transportĂ©s dans un ailleurs. Lire, c’est opĂ©rer une forme de dĂ©placement dans le temps et dans l’espace. Et se souvenir, c’est, reprenant la partition, rejouer le voyage. Un dernier fragment “L’Oiseux ne chie qu’au pied des icebergs et c’est peut-ĂȘtre sa seule coquetterie.” Tournures de l’Utopie est l’un des deux autres livres publiĂ©s par Le Cadran lignĂ© en cette “rentrĂ©e 2021”. Il est signĂ© Boris Wolowiec qui a publiĂ© huit ouvrages depuis 2014, chez ce mĂȘme Ă©diteur, mais aussi chez Lurlure, au Corridor bleu, etc. Il s’agit du premier que je lis, ne possĂ©dant aucune information de quelque sorte que ce soit, sur son auteur ; de l’ensemble des livres ici chroniquĂ©s, c’est le seul qui n’apporte aucune indication sur la fameuse 4e de couverture ou sur les petits papiers accompagnant leur envoi. Ne rien savoir ne nous met pas en mauvaise situation lit-on de la mĂȘme façon si on connait un peu l’auteur – ou non ? Ou si l’on a dĂ©jĂ  une certaine familiaritĂ© avec son travail ? Je ne sais. Je prĂ©fĂšre penser que la lecture est toujours Ă  reprendre, qu’on n’en aura jamais fini, et que nos notes, nos gribouillis dans les marges, ne sont qu’instantanĂ©s fragiles que l’on recopie, dĂ©coupe et remonte, avec plus ou moins de fidĂ©litĂ©, comme on fait des frottages sur des fossiles ramassĂ©s au sol pour en prendre l’empreinte. Tournures de l’Utopie ne fait qu’à peine plus de cent pages, soit une quinzaine de plus que le prĂ©cĂ©dent, mais est beaucoup plus dense peu de blanc ; nulle dĂ©coupe en strophes, et encore moins en vers ; de brefs paragraphes sĂ©parĂ©s par un espace lĂ©gĂšrement marquĂ©. Je le lis parfois comme s’il s’agissait d’un journal de bord, plutĂŽt qu’intime et parfois comme s’il s’agissait, une fois encore, de variations sur des thĂšmes non prĂ©cisĂ©ment nommĂ©s. Parfois certains noms m’arrĂȘtent ils me disent quelque chose. Ce peut ĂȘtre drĂŽle, inattendu “Hier j’ai parlĂ© avec Rita Gombrowicz. Quand Rita Gombrowicz Ă©tait jeune, elle ressemblait Ă  Nicole Calfan. Quand Witold Gombrowicz Ă©tait jeune, il ressemblait Ă  Humphrey Bogart. Nicole Calfan a partagĂ© l’existence de Jean Yanne. Il y a ainsi un lien bizarre entre Witold Gombrowicz et Jean Yanne”. Mais cela peut donner aussi “Dehors il y a du vent. Dehors il pleut. ApparaĂźtre seul apaise. ApparaĂźtre seul aide le vent. ApparaĂźtre seul aide le vent Ă  souffler. ApparaĂźtre seul aide la pluie Ă  tomber. ApparaĂźtre seul aide le vent Ă  vouloir la pluie. ApparaĂźtre seul aide le vent Ă  vouloir toucher la pluie. ApparaĂźtre seul aide le vent Ă  vouloir embrasser la pluie.” À un moment, l’auteur rend hommage Ă  Christophe Tarkos “Je remercie Christophe Tarkos. J’ai besoin de Christophe Tarkos. J’ai besoin de lire Christophe Tarkos pour Ă©crire autre chose que ce que Christophe Tarkos a Ă©crit.” Etc. Il peut ĂȘtre aussi bien question de kangourou que de chanson. Boris Wolowiec connaĂźt la chanson française, il peut en faire une liste impressionnante, jusqu’à citer de nom de Vincent Delerm, que le dessinateur Luz dĂ©teste tant, avant celui de Peter Szendy auteur d’un essai intitulĂ© Tubes. Il connaĂźt aussi le cinĂ©ma de Melville, ou de Dumont. Mais l’essentiel – comme la vraie vie – est ailleurs dans ce qu’il nous sera impossible de rĂ©sumer et dont on ne pourra prĂ©lever que d’infimes fragments, matiĂšre Ă  collage Ă©phĂ©mĂšre “Les phrases chorĂ©graphient l’espace. Les phrases chorĂ©graphient l’amour. Les phrases chorĂ©graphient l’espace de l’amour. Les phrases chorĂ©graphient la coĂŻncidence du temps et de l’espace. Les phrases chorĂ©graphient la coĂŻncidence de temps et d’espace de l’amour.” [
] “Je marche avec la tĂȘte Ă  l’intĂ©rieur de la Pologne prĂ©cisĂ©ment parce que je n’y ai jamais mis les pieds. Je marche avec les mains Ă  l’intĂ©rieur de la Pologne prĂ©cisĂ©ment parce que je n’y ai jamais mis les pieds.” Etc. La matiĂšre est riche, Ă  vous de jouer. 4. L’hiver dernier m’était parvenu un “volume collectif” intitulĂ© Avant midi, dirigĂ© par Gillet Jallet et Xavier Maurel, publiĂ© aux Ă©ditions Monologue. Il s’ouvrait par un texte de Nietzsche, Le Voyageur traduit par G. Jallet. Au temps de ma vie lycĂ©enne, cette page de Nietzsche m’était parvenue sous forme de 45 tours offert Ă  la sortie du bahut, le texte Ă©tant lu par Gilles Deleuze et mis en musique par Richard Pinhas Heldon. Selon leurs animateurs, “Avant midi n’est ni un livre, ni une revue ; nous l’avons conçu Ă  la frontiĂšre des deux, plutĂŽt comme un montage ou la construction d’une image » qui, prenant appui sur la proposition du texte Le Voyageur de Nietzsche, s’invente en se dispersant, chaque poĂšme pris en son unicitĂ©, mais aussi dans une relation Ă©troite, pas Ă  pas, des poĂšmes entre eux.” Étonnante reprise pour moi de ce qu’avait proposĂ© Jean-Pierre Faye pour Change id. ni livre, ni revue dont le premier numĂ©ro, il y a maintenant un peu plus d’un demi-siĂšcle, s’intitulait Le montage. J’extrais de ce premier Avant midi quelques vers de Laure Gauthier “Je construis un courant d’air, une musique pour faire claquer les portes le goĂ»t du sucre ne cachera pas l’amertume il n’y a pas de pioche toujours gagnante l’humilitĂ© de l’amer” Aujourd’hui paraĂźt une nouvelle publication des Ă©ditions Monologue, Sinouhay, l’Autoportrait de Gilles Jallet, soit 80 pages, format 11,8 x 19, d’une grande densitĂ© – je veux dire qui se lit avec plaisir, de maniĂšre plutĂŽt fluide, mais qui interroge et renvoie Ă  tant de choses qu’on ne l’abandonne pas aprĂšs premiĂšre lecture ; le livre nous tient compagnie un bon moment, et c’est ainsi que nous vient le dĂ©sir d’en parler, mĂȘme rapidement mĂȘme lĂ©gĂšrement. Bien qu’ayant possĂ©dĂ© et lu dans l’enfance quelques Contes et lĂ©gendes de l’Égypte ancienne ; bien que connaissant ne l’ayant cependant que feuilletĂ© et jamais possĂ©dĂ© la collection dirigĂ©e par Denis Roche chez Tchou dont le volume Histoires et lĂ©gendes de l’Égypte mystĂ©rieuse a apparemment beaucoup comptĂ© dans l’adolescence de Gilles Jallet, j’aurais Ă©tĂ© bien en peine de rĂ©pondre Ă  la question qui est Sinouhay ? Maintenant, j’ai la rĂ©ponse
 que je n’ai pas l’intention de dĂ©voiler dans ce “papier”, car il faudrait pour cela recopier la totalitĂ© de ce volume resserrĂ© Ă©loquent sans pour autant se montrer bavard. PrĂ©cisons nĂ©anmoins que Sinouhay Ă©tait “un haut dignitaire de la cour [1991 Ă  1928 avant au temps des Pharaons Amenemhat 1er et SĂ©nostris 1er] et de surcroĂźt un chef militaire important”. Son rĂ©cit est “la premiĂšre autobiographie de l’histoire littĂ©raire, au sens oĂč la vie individuelle l’histoire personnelle du narrateur qui se trouve en ĂȘtre aussi l’auteur et le principal acteur et l’écriture sur soi l’emportent sur le rĂ©cit des Ă©vĂ©nements.” S’ouvrant par une citation de StĂšles de Victor Segalen, puis, Ă  l’intĂ©rieur d’une note concernant l’établissement du texte, par un bref Ă©grenage de noms d’auteurs dont Jallet se sent proche ou redevable Yves di Manno en premier lieu via Kambuja, son travail sur les inscriptions khmĂšres du Cambodge, mais aussi Ezra Pound, William Carlos Williams et les objectivistes, Jack Spicer et Jerome Rothenberg etc. – Ă  ces noms j’ajouterai volontiers celui de Paul Louis Rossi, le poĂšte de Cose Naturali et de FaĂŻences, Sinouhay, l’Autoportrait s’annonce, avant lecture, plus qu’attirant. Partant d’un texte datant d’il y a quatre millĂ©naires environ, l’auteur nous prĂ©cise qu’“il ne s’agit pas d’une nouvelle traduction, ni mĂȘme d’une traduction de traductions, mais bien d’une rĂ©inscription ou, plus exactement, d’une repoĂ©tique » au sens d’une refondation poĂ©tique Ă  partir d’un matĂ©riau poĂ©tique prĂ©existant.” Donc redonner vie. Difficile d’en choisir un fragment, et surtout de le recopier de maniĂšre fidĂšle sur internet qui a tendance Ă  ne pas respecter certaines mises en page. Alors, une seule chose Ă  faire en photographier une double page et la placer sous ces quelques lignes en tant qu’“illustration”, au sens de Michel Butor Sinouhay, l’autoportrait © Gilles Jallet / Monologue 5. Seconde salve de deux ouvrages pour la collection “Supersoniques” Ă  la Philharmonie de Paris. Pour mĂ©moire, cette collection a le projet de “mettre en rĂ©cit et en image des personnalitĂ©s qui, par le pouvoir des sons, ont donnĂ© forme Ă  une Ɠuvre, un monde, une thĂ©orie, une utopie
 bousculant les frontiĂšres entre les disciplines et transformant la sociĂ©tĂ©. Elle vise Ă  formuler ce qu’est pour nous, aujourd’hui, la musique créée hier.” Chaque livre est composĂ© de huit cahiers de huit pages, format 16 x 20cm. Le texte est imprimĂ© en assez gros caractĂšres, et les dessins, en couleurs comme en noir et blanc, sont imprimĂ©s en contrepoint. Nous avions dĂ©jĂ  apprĂ©ciĂ© ici-mĂȘme les volumes de la premiĂšre salve, Ă  savoir Moondog, la fortune du mendiant de Guy Darol & Laurent Bourlaud et Glenn Gould, fiction d’Élie During & Alain Bublex. Aujourd’hui, les volumes 3 et 4 s’intitulent Sappho de StĂ©phane Bouquet et Rosaire Appel et Alexander Graham Bell de Juliette Volcler et Matti Hagelberg sur la couverture, on ne dit pas “de” untel ou unetelle, mais “racontĂ© par”, ce qui n’est pas indiffĂ©rent. Comme cette constellation d’automne est consacrĂ©e Ă  la poĂ©sie, commençons par Sappho, figure Ă  la fois cĂ©lĂšbre et, en vĂ©ritĂ©, quasi inconnue de l’antiquitĂ© grecque. “Elle serait nĂ©e entre 630 et 612 avant notre Ăšre Ă  MytilĂšne ou prĂšs de MytilĂšne” nous prĂ©cise StĂ©phane Bouquet qui introduit son rĂ©cit par cet incipit “Sur Sappho je sais que je ne sais quasi rien – pourrait dire un sage Socrate actuel” ce sera un des leitmotive de son texte. C’est ce qui en rend la lecture passionnante nous ne sommes pas plongĂ©s dans une illusoire reconstitution de ce qui fut et sur lequel les chercheurs n’ont relevĂ© que peu de traces, mais sur les rĂ©sonances de ce que Sappho aura accompli – rĂ©alisĂ© concrĂštement – de son vivant. “Dans toute cette incertitude, Ă©crit StĂ©phane Bouquet, une chose cependant est sĂ»re Sappho aimait un rythme plus qu’un autre – puisqu’elle est la premiĂšre Ă  utiliser la strophe qu’on appelle aujourd’hui en son honneur saphique.” Certains lui attribuent aussi l’invention du mode mixolidien. Mais peu importe, Bouquet nous raconte que “pour les Grecs, de toute façon, il Ă©tait moins important d’attribuer une invention Ă  son inventeur rĂ©el que d’honorer une invention d’un inventeur qui fut digne d’elle.” “PoĂ©sie Ă©tait un art du prĂ©sent, Ă©crit encore StĂ©phane Bouquet [
]. Un poĂšme de Sappho n’est pas un texte mais une situation. [
] Le poĂšme dit je » mais ce je » n’est pas la premiĂšre personne du singulier. C’est un bizarre je collectif. C’est le je du chƓur qui dit je plutĂŽt que nous pour signifier qu’il parle d’une seule voix.” Et la sensualitĂ© caractĂ©rise cette poĂ©sie “L’éolienne Sappho chantait souvent les caresses de l’amour [
] ce genre de chahut Ă©motionnel que Louise LabbĂ©, bien plus tard chante Ă  son tour J’ai chaud extrĂȘme en endurant froidure » [
] Sappho semble aimer le monde Ă  la folie, le monde dans sa substance de monde et, de ce fait, accorder une attention soutenue Ă  la richesse des sensations et Ă  la multitude adorable des dĂ©tails et Ă  la vie dĂ©sirante-dĂ©sirable des corps. Sa poĂ©sie est d’une richesse concrĂšte telle que son monde sans cesse bruit de sons et Ă©clate de couleurs et tremble d’odeurs et se chamarre de matiĂšres.” On le voit, ce rĂ©cit est magnifiquement Ă©crit – bonne idĂ©e que d’avoir confiĂ© Sappho Ă  un poĂšte contemporain, et non des moindres. Et n’oublions pas de relever au passage quelque fragment de Sappho le 71 “un chant doux voix de miel chante mouillĂ©e de rose” Dessin © Rosaire Appel / Philharmonie de Paris Quelques mots sur les pages dessinĂ©es par Rosaire Appel. Il s’agit de “partitions graphiques” que l’on pourra considĂ©rer, selon sa propre capacitĂ© d’ouverture, aussi bien “jouables” qu’“injouables” plus proches du travail de peintres musiciens comme l’Anglais Tom Phillips que de compositeurs pratiquant aussi les arts plastiques comme l’Italien Sylvano Bussotti qui nous a quittĂ©s le 19 septembre dernier ou l’AmĂ©ricain John Cage. Elles collent paradoxalement donc parfaitement avec ce rĂ©cit, car elles remettent en jeu graphiquement un systĂšme de notation – certes dĂ©formĂ©, froissĂ©, caviardĂ©, repensĂ©, et surtout libĂ©rĂ© de nombre de conventions – qui Ă©tait encore loin d’ĂȘtre en gestation dans les rĂȘves les plus fous des chanteurs / joueurs de barbitos de l’antiquitĂ©. Alexander Graham Bell de Juliette Volcler et Matti Hagelberg bĂ©nĂ©ficie d’une solide documentation. Si son histoire est loin d’ĂȘtre aussi Ă©nigmatique que celle de Sappho, elle demeure Ă©tonnante et au fond mal connue, ce qui fait que qui se prĂ©cipitera sur ce livre y fera de vraies dĂ©couvertes. Bell, c’est bien entendu le “pĂšre du tĂ©lĂ©phone” mais, comme il est Ă©crit vert sur gris clair sur le rabat, il se pourrait que “l’Histoire ait tout retenu Ă  l’envers. VoilĂ  qu’un assistant talentueux, des inventeurs oubliĂ©s, des historiennes pugnaces, des Sourdes et des Sourds viennent soudain perturber le rĂ©cit.” Et effectivement, Juliette Volcler, chercheuse indĂ©pendante travaillant l’écoute critique, met en Ă©vidence toutes ces perturbations, de maniĂšre docte, non sans humour parfois, ce qui fait nous sommes renseignĂ©s sur cet homme qui a “conquis, comme dans les contes de fĂ©es, la fortune et la gloire”, sur son Ă©pouse “Mabel Bell, nĂ©e Hubbard, se retrouvant par capillaritĂ© l’hĂ©roĂŻne d’au moins sept biographies”, ainsi que bien d’autres personnages parfois savoureux, comme son assistant Thomas Watson devenu “le premier concertiste Ă  distance” ainsi que “le premier auditeur de paroles Ă©lectriquement transmises.” On relĂšve avec stupĂ©faction qu’au cours des expĂ©riences de Bell, une authentique oreille humaine aurait Ă©tĂ© utilisĂ©e. RĂ©sultat “le tĂ©lĂ©phone Ă  oreille Ă©tait, selon Watson, celui qui marchait le moins bien”. “Il n’en demeure pas moins, conclut la philosophe Avital Ronell dans The Telephone Book, que l’ancĂȘtre du tĂ©lĂ©phone que vous utilisez au quotidien contient les restes d’une vĂ©ritable oreille humaine.” Notons enfin que les Laboratoires Bell ont nommĂ© “en son hommage l’unitĂ© de mesure du niveau sonore, le dĂ©cibel, littĂ©ralement le dixiĂšme de bel, abrĂ©gĂ© en dB Le B majuscule, petit piĂ©destal portatif, venait entĂ©riner la parfaite incongruitĂ© de l’unitĂ© de base, le bel, que personne n’employait jamais – son dixiĂšme l’avait immĂ©diatement supplantĂ©.” Double planche © Matti Hagelberg / Philharmonie de Paris Le choix de Matti Hagelberg, dessinateur finlandais bien connu, notamment pour ses livres publiĂ©s Ă  L’Association Le Sultan de VĂ©nus, Holmenkollen ou Kekkonen – entre autres, pour illustrer ce rĂ©cit, est judicieux, tant il apporte de touches d’humour supplĂ©mentaire en tirant, Ă  sa maniĂšre de son trait inimitable, quelques portraits aussi sculpturaux, hiĂ©ratiques, qu’énigmatiques. Format AmĂ©ricain, l’intĂ©grale 1993-2006, sous la direction de Juliette ValĂ©ry, Éditions de L’Attente, octobre 2021, 1120 p., 39 € HĂ©lĂšne Sanguinetti, Et voici la chanson, Éditions Lurlure, octobre 2021, 112 p., 17 € MilĂšne Tournier, Je t’aime comme, Éditions Lurlure, aoĂ»t 2021, 192 p., 21 € Victor Rassov, L’Oiseux suivi de ExcrĂ©ment prĂ©cieux, Le Cadran lignĂ©, septembre 2021, 96 p., 15 € Boris Wolowiec, Tournures de l’Utopie, Le Cadran lignĂ©, septembre 2021, 112 p, 15 € Gilles Jallet, Sinouhay, l’Autoportrait, Monologue, 80 p., 12 € Collectif, Avant midi, Monologue, mars 2021, 112 p., 13 € StĂ©phane Bouquet et Rosaire Appel, Sappho, Éditions de la Philharmonie de Paris, octobre 2021, 64 p., 13 € — Lire ici l’entretien de Johan Faerber avec StĂ©phane Bouquet Juliette Volcler et Matti Hagelberg, Alexander Graham Bell, Éditions de la Philharmonie de Paris, octobre 2021, 64 p., 13 €
Letemps est venu pour eux de quitter. Je vois le paysage coloré richement En marchant dans de beaux sentiers. Je prends des photos de toute beauté Ou je peins si l'envie me prend. Je veux vous donner goût à l'automne Avant que l'hiver joyeux entonne Son tout premier refrain chanté Celui de l'air frais enfin arrivé! Cathysoleil-----Merci de m'avoir
Tags automne - saison - poĂ©sie - poĂšmes - poĂštes - vers. °°° photo jplĂ©nio, de Pixabay. L'automne Alphonse de Lamartine, MĂ©ditations poĂ©tiques, 1820. Salut ! bois couronnĂ©s d'un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons Ă©pars ! Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature Convient Ă  la douleur et plaĂźt Ă  mes regards ! Je suis d'un pas rĂȘveur le sentier solitaire, J'aime Ă  revoir encor, pour la derniĂšre fois, Ce soleil pĂąlissant, dont la faible lumiĂšre Perce Ă  peine Ă  mes pieds l'obscuritĂ© des bois ! Oui, dans ces jours d'automne oĂč la nature expire, A ses regards voilĂ©s, je trouve plus d'attraits, C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire Des lĂšvres que la mort va fermer pour jamais ! Ainsi, prĂȘt Ă  quitter l'horizon de la vie, Pleurant de mes longs jours l'espoir Ă©vanoui, Je me retourne encore, et d'un regard d'envie Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui ! Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ; L'air est si parfumĂ© ! la lumiĂšre est si pure ! Aux regards d'un mourant le soleil est si beau ! Je voudrais maintenant vider jusqu'Ă  la lie Ce calice mĂȘlĂ© de nectar et de fiel ! Au fond de cette coupe oĂč je buvais la vie, Peut-ĂȘtre restait-il une goutte de miel ? Peut-ĂȘtre l'avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ? Peut-ĂȘtre dans la foule, une Ăąme que j'ignore Aurait compris mon Ăąme, et m'aurait rĂ©pondu ? La fleur tombe en livrant ses parfums au zĂ©phire ; A la vie, au soleil, ce sont lĂ  ses adieux ; Moi, je meurs; et mon Ăąme, au moment qu'elle expire, S'exhale comme un son triste et mĂ©lodieux. Chant d'automne I Charles Baudelaire, Les fleurs du mal, 1857. La seconde partie du poĂšme a moins Ă  voir avec l'automne ; on peut la consulter sur BientĂŽt nous plongerons dans les froides tĂ©nĂšbres ; Adieu, vive clartĂ© de nos Ă©tĂ©s trop courts ! J’entends dĂ©jĂ  tomber avec des chocs funĂšbres Le bois retentissant sur le pavĂ© des cours. Tout l’hiver va rentrer dans mon ĂȘtre colĂšre, Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcĂ©, Et, comme le soleil dans son enfer polaire, Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacĂ©. J’écoute en frĂ©missant chaque bĂ»che qui tombe ; L’échafaud qu’on bĂątit n’a pas d’écho plus sourd. Mon esprit est pareil Ă  la tour qui succombe Sous les coups du bĂ©lier infatigable et lourd. Il me semble, bercĂ© par ce choc monotone, Qu’on cloue en grande hĂąte un cercueil quelque part. Pour qui ? – C’était hier l’étĂ© ; voici l’automne ! Ce bruit mystĂ©rieux sonne comme un dĂ©part. Soupirs StĂ©phane MallarmĂ©, Le Parnasse contemporain, 1866. Mon Ăąme vers ton front oĂč rĂȘve, ĂŽ calme sƓur, * Un automne jonchĂ© de taches de rousseur, Et vers le ciel errant de ton oeil angĂ©lique Monte, comme dans un jardin mĂ©lancolique, FidĂšle, un blanc jet d’eau soupire vers l'Azur ! – Vers l'Azur attendri d’Octobre pĂąle et pur Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie Et laisse, sur l’eau morte oĂč la fauve agonie Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon, Se traĂźner le soleil jaune d’un long rayon. * L'auteur, dans ce poĂšme, rĂ©unit l'automne, et la tristesse de ses jours, avec la tristesse qui Ă©treint le poĂšte depuis la mort brutale de sa jeune sƓur Ă  l'Ăąge de 13 ans. La mort du soleil Charles Leconte de Lisle, PoĂšmes barbares, 1872. Le vent d’automne, aux bruits lointains des mers pareil, Plein d’adieux solennels, de plaintes inconnues, Balance tristement le long des avenues Les lourds massifs rougis de ton sang, ĂŽ soleil ! La feuille en tourbillons s’envole par les nues ; Et l’on voit osciller, dans un fleuve vermeil, Aux approches du soir inclinĂ©s au sommeil, De grands nids teints de pourpre au bout des branches nues. Tombe, Astre glorieux, source et flambeau du jour ! Ta gloire en nappes d’or coule de ta blessure, Comme d’un sein puissant tombe un suprĂȘme amour. Meurs donc, tu renaĂźtras ! L’espĂ©rance en est sĂ»re. Mais qui rendra la vie et la flamme et la voix Au cƓur qui s’est brisĂ© pour la derniĂšre fois ? L'automne ThĂ©odore de Banville, Rondels, 1875. Sois le bienvenu, rouge Automne, Accours dans ton riche appareil, Embrase le coteau vermeil Que la vigne pare et festonne. PĂšre, tu rempliras la tonne Qui nous verse le doux sommeil ; Sois le bienvenu, rouge Automne, Accours dans ton riche appareil. DĂ©jĂ  la Nymphe qui s’étonne, Blanche de la nuque Ă  l’orteil, Rit aux chants ivres de soleil Que le gai vendangeur entonne. Sois le bienvenu, rouge Automne. En Automne François CoppĂ©e, L'ExilĂ©e, 1877 Quand de la divine enfant de NorvĂšge, Tout tremblant d’amour, j’osai m’approcher, Il tombait alors des flocons de neige. Comme un martinet revole au clocher, Quand je la revis, plein d’ardeurs plus fortes, Il tombait alors des fleurs de pĂȘcher. Ah! je te maudis, exil qui l’emportes Et me veux du coeur l’espoir arracher! Il ne tombe plus que des feuilles mortes. L'Automne François FabiĂ©, Le clocher, 1887. A toute autre saison je prĂ©fĂšre l’automne ; Et je prĂ©fĂšre aux chants des arbres pleins de nids La lamentation confuse et monotone Que rend la harpe d’or des grands chĂȘnes jaunis. Je prĂ©fĂšre aux gazons semĂ©s de pĂąquerettes OĂč la source Ă©grenait son collier d’argent vif, La clairiĂšre dĂ©serte oĂč, tristes et discrĂštes, Les feuilles mortes font leur bruit doux et plaintif. Plus de moissons aux champs, ni de foin aux vallĂ©es ; Mais le seigle futur rit sur les bruns sillons, Et le saule penchant ses branches dĂ©solĂ©es Sert de perchoir nocturne aux frileux oisillons. Et, depuis le ruisseau que recouvrent les aulnes Jusqu’aux sommets oĂč, seuls, les ajoncs ont des fleurs, Les feuillages divers qui s’étagent par zones Doublent le chant des bruits de l’hymne des couleurs. Et les pommiers sont beaux, courbĂ©s sous leurs fruits roses, Et beaux les ceps sanglants marbrĂ©s de raisins noirs ; Mais plus beaux s’écroulant sous leurs langues dĂ©closes, Les chĂątaigniers vĂȘtus de la pourpre des soirs. Ici c’est un grand feu de fougĂšre flĂ©trie D’oĂč monte dans le ciel la fumĂ©e aux flots bleus, Et, comme elle, la vague et lente rĂȘverie Du pĂątre regardant l’horizon nĂ©buleux. Plus loin un laboureur, sur la lande muette, S’appuie Ă  la charrue, et le soleil couchant DĂ©tache sur fond d’or la fiĂšre silhouette Du bouvier et des boeufs arrĂȘtĂ©s en plein champ. L’on se croirait devant un vitrail grandiose OĂč quelque artiste ancien, saintement inspirĂ©, Aurait reprĂ©sentĂ© dans une apothĂ©ose Le serf et l’attelage et l’araire sacré  Automne Emile Verhaeren 1895 Matins frileux Le temps se vĂȘt de brume ; Le vent retrousse au cou des pigeons bleus Les plumes. La poule appelle Le pĂ©piant fretin de ses poussins Sous l’aile. Panache au clair et glaive nu Les lansquenets des girouettes Pirouettent. L’air est rugueux et cru ; Un chat prĂšs du foyer se pelotonne ; Et tout Ă  coup, du coin du bois rĂ©sonne, Monotone et discord, L’appel tintamarrant des cors D’automne. Le Parc Albert Samain, Le chariot d'or, 1900. Dans le parc aux lointains voilĂ©s de brume, sous Les grands arbres d’oĂč tombe avec un bruit trĂšs doux L’adieu des feuilles d’or parmi la solitude, Sous le ciel pĂąlissant comme de lassitude, Nous irons, si tu veux, jusqu’au soir, Ă  pas lents, Bercer l’étĂ© qui meurt dans nos coeurs indolents. Nous marcherons parmi les muettes allĂ©es ; Et cet amer parfum qu’ont les herbes foulĂ©es, Et ce silence, et ce grand charme langoureux Que verse en nous l’automne exquis et douloureux Et qui sort des jardins, des bois, des eaux, des arbres Et des parterres nus oĂč grelottent les marbres, Baignera doucement notre Ăąme tout un jour, Comme un mouchoir ancien qui sent encor l’amour. Automne Anna de Noailles, Le cƓur innombrable, 1901. Voici venu le froid radieux de septembre Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ; Mais la maison a l’air sĂ©vĂšre, ce matin, Et le laisse dehors qui sanglote au jardin. Comme toutes les voix de l’étĂ© se sont tues ! Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ? Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois Que la bise grelotte et que l’eau mĂȘme a froid. Les feuilles dans le vent courent comme des folles ; Elles voudraient aller oĂč les oiseaux s’envolent, Mais le vent les reprend et barre leur chemin Elles iront mourir sur les Ă©tangs demain. Le silence est lĂ©ger et calme ; par minute Le vent passe au travers comme un joueur de flĂ»te, Et puis tout redevient encor silencieux, Et l’Amour qui jouait sous la bontĂ© des cieux S’en revient pour chauffer devant le feu qui flambe Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes, Et la vieille maison qu’il va transfigurer Tressaille et s’attendrit de le sentir entrer. Automne Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913. Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux Et son boeuf lentement dans le brouillard d’automne Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux Et s’en allant lĂ -bas le paysan chantonne Une chanson d’amour et d’infidĂ©litĂ© Qui parle d’une bague et d’un coeur que l’on brise Oh! l’automne l’automne a fait mourir l’étĂ© Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises. Automne Pierre Coran, 1979; source paperblog/poĂ©sie en images L'automne Chloe Douglas, 1991. De boue le chemin est devenu. Les arbres encore vivement vĂȘtus. La pluie rĂ©cente parfume l’air. Un million de feuilles se couchent par terre. A la descente de la brume, le bois secret s’allume. L’enchantement est divin, le temps n’a plus de fin. Errer dans le bois, voler du passĂ©, ramasser du thym gentiment faire du thĂ©. Rarement le silence reste dans ce ruisseau fascinant. Caresser tout le savoir dans les bras de maintenant. S'il vous plaĂźt Stephen Moysan, En route vers l'horizon, 2012-2017 Ciel d’automne - La pluie a Le gout des nuages. Mort de faim de vivre Jusqu’à l’ivresse J’ai soif d’autre chose. Donnez-moi Ă  boire Ce qui rĂ©chauffe le cƓur Des mots d’amour. Et bien sĂ»r, l'inoubliable et intemporel poĂšme Chanson d'automne, morceau de roi du recueil PoĂšmes saturniens 1866, ici mis en musique et interprĂ©tĂ© avec talent par Charles TrĂ©net. Plusieurs sites ont Ă©galement rassemblĂ© des poĂšmes sur l'automne. Pour mention
OĂčle temps semble s'arrĂȘter Que cette saison paraĂźt douce RevĂȘtue d'or et de carmin Sous le tapis de feuilles mortes poussent De beaux champignons rois d'un festin Quelle bonheur de pouvoir ainsi nous aimer ! Dans le brouillard on s'est longuement embrassĂ© Sachant tous les deux que dĂ©sormais L'automne a remerciĂ© l'Ă©tĂ©. Perceval

Hors ligne 24 Septembre 2019 L'automne L'automne est comme toi et moi Une saison mĂ©lancolique OĂč il fait bon de s'aimer toutefois De part sa beautĂ© romantique La douceur de ses couleurs cuivrĂ©es Nous incitent Ă  nous promener Main dans la main dans cette forĂȘt OĂč le temps semble s'arrĂȘter Que cette saison paraĂźt douce RevĂȘtue d'or et de carmin Sous le tapis de feuilles mortes poussent De beaux champignons rois d'un festin Quelle bonheur de pouvoir ainsi nous aimer ! Dans le brouillard on s'est longuement embrassĂ© Sachant tous les deux que dĂ©sormais L'automne a remerciĂ© l'Ă©tĂ©. Perceval​ Hors ligne 24 Septembre 2019 L'automne L'automne est comme toi et moi Une saison mĂ©lancolique OĂč il fait bon de s'aimer toutefois De part sa beautĂ© romantique La douceur de ses couleurs cuivrĂ©es Nous incitent Ă  nous promener Main dans la main dans cette forĂȘt OĂč le temps semble s'arrĂȘter Que cette saison paraĂźt douce RevĂȘtue d'or et de carmin Sous le tapis de feuilles mortes poussent De beaux champignons rois d'un festin Quelle bonheur de pouvoir ainsi nous aimer ! Dans le brouillard on s'est longuement embrassĂ© Sachant tous les deux que dĂ©sormais L'automne a remerciĂ© l'Ă©tĂ©. Perceval​ Tu rentres formidablement bien dans la danse de l'automne _ on voit rouge Ă  te lire en ce dĂ©but de saison! Bravo Marc Merci de ce magnifique partage Belle journĂ©e Gros bisousss en toute amitiĂ© Isabelle ​ Hors ligne 24 Septembre 2019 Tu rentres formidablement bien dans la danse de l'automne _ on voit rouge Ă  te lire en ce dĂ©but de saison! Bravo Marc Merci de ce magnifique partage Belle journĂ©e Gros bisousss en toute amitiĂ© Isabelle Voir la piĂšce jointe 16658 ​Merci Isabelle ! Tu es en rouge, je suis en noir ! On valse au grĂ© des feuilles qui virevoltent ! Bisous ! Marc Hors ligne 24 Septembre 2019 jolis vers ou l'amour et la melancolie ne font qu'un j'adore ....Vic Hors ligne 24 Septembre 2019 L'automne L'automne est comme toi et moi Une saison mĂ©lancolique OĂč il fait bon de s'aimer toutefois De part sa beautĂ© romantique La douceur de ses couleurs cuivrĂ©es Nous incitent Ă  nous promener Main dans la main dans cette forĂȘt OĂč le temps semble s'arrĂȘter Que cette saison paraĂźt douce RevĂȘtue d'or et de carmin Sous le tapis de feuilles mortes poussent De beaux champignons rois d'un festin Quelle bonheur de pouvoir ainsi nous aimer ! Dans le brouillard on s'est longuement embrassĂ© Sachant tous les deux que dĂ©sormais L'automne a remerciĂ© l'Ă©tĂ©. Perceval​j'ai aimĂ© ce beau poĂšme qui nous parle d'automnes d'antan,qui nous parle de cette douceur de ces automnes des forĂȘt aux grandes taches d'or qui se mĂȘlait aux cuivres roux et bruns, l'image que tu nous offre est tellement vraies et si belle! hĂ©las, nous devrions ĂȘtre en automne,, mais il fait toujours aussi chaud dans la journĂ©e et en LozĂšre et dans d'autres rĂ©gions aussi la nuit il commence a geler, je ne sais si nous aurons encore des ceps Ă  cause de ses gelĂ©es! il n'y a plus de vrais automnes! DerniĂšre Ă©dition 24 Septembre 2019 Hors ligne 24 Septembre 2019 Quel merveilleux poĂšme comme tu sais l'Ă©crire ,rien que la premiĂšre phrase et dĂ©jĂ  on est bercĂ© par une douce romance ,,Merci Marc belle soirĂ©e bizzz Hors ligne 25 Septembre 2019 Un bien joli partage de saison Merci Chess Les saisons passent et nous on s’acclimate ! lol Amities a toi Perceval Hors ligne 25 Septembre 2019 Avec ça, tu as sans doute dĂ©jĂ  gagnĂ© le concours qui s'ouvre demain ! je ne crois pas non ! il y a bien meilleur ! Mais c'est gentil de m'encourager AmitiĂ©s Perceval Hors ligne 25 Septembre 2019 j'aime cet automne, un peu d'Ă©tĂ© indien Idem ! l'Ă©tĂ© indien c'est encore les vacances qui se prolongent AmitiĂ©s, bisous Perceval Hors ligne 25 Septembre 2019 Comme une caresse automnale ton poĂšme, Bravo! AmitiĂ©s. Merci Sim Profitons en bien car bientĂŽt il sera bon de rester sous la couette bien au chaud ! AmitiĂ©s a toi Perceval Hors ligne 25 Septembre 2019 jolis vers ou l'amour et la melancolie ne font qu'un j'adore ....Vic Merci Victoria pour ton apprĂ©ciation ! Amour et MĂ©lancolie vont bien ensemble ! Tendres bisous Perceval Hors ligne 25 Septembre 2019 j'ai aimĂ© ce beau poĂšme qui nous parle d'automnes d'antan,qui nous parle de cette douceur de ces automnes des forĂȘt aux grandes taches d'or qui se mĂȘlait aux cuivres roux et bruns, l'image que tu nous offre est tellement vraies et si belle! hĂ©las, nous devrions ĂȘtre en automne,, mais il fait toujours aussi chaud dans la journĂ©e et en LozĂšre et dans d'autres rĂ©gions aussi la nuit il commence a geler, je ne sais si nous aurons encore des ceps Ă  cause de ses gelĂ©es! il n'y a plus de vrais automnes! Oui tu as bien raison Emie Bien que en rĂ©gion parisienne on arrive a faire de bonne rĂ©colte de champignons ! Et puis il a un peu plut ca devrait donc se faire ! AmitiĂ©s et gros bisous Perceval Hors ligne 25 Septembre 2019 Quel merveilleux poĂšme comme tu sais l'Ă©crire ,rien que la premiĂšre phrase et dĂ©jĂ  on est bercĂ© par une douce romance ,,Merci Marc belle soirĂ©e bizzz Merci jolie Fleurette ! Chaque fois que j'Ă©cris ton nom mes pensĂ©es s'envolent vers mon premier Amour ! j'adore Merci a toi ! tendres bisous Perceval Hors ligne 25 Septembre 2019 Une bien belle invitation Ă  aller se promener en forĂȘt, en cet " Automne " , si joliment Ă©crit. Merci Marc .. Hors ligne 25 Septembre 2019 Une bien belle invitation Ă  aller se promener en forĂȘt, en cet " Automne " , si joliment Ă©crit. Merci Marc .. C'est moi qui te remercie pour le petit com ! Trop gentil ! AmitiĂ©s, bies Marc CARLAME InvitĂ© Hors ligne 25 Septembre 2019 ICI en Belgique, l'atmosphĂšre a un gout de pluie et l'automne sonne aux portes en ce mois de septembre, je regrette dĂ©jĂ  le soleil et sa chaleur !! mais ton beau poĂšme me fait remarquĂ© que cette saison a aussi son charme, et il fait bon se promener sous le bois aux milles gaies couleurs, surtout avec sa moitiĂ© qui nous tient compagnie ! merci pour ce partage amitiĂ©s Hors ligne 25 Septembre 2019 ICI en Belgique, l'atmosphĂšre a un gout de pluie et l'automne sonne aux portes en ce mois de septembre, je regrette dĂ©jĂ  le soleil et sa chaleur !! mais ton beau poĂšme me fait remarquĂ© que cette saison a aussi son charme, et il fait bon se promener sous le bois aux milles gaies couleurs, surtout avec sa moitiĂ© qui nous tient compagnie ! merci pour ce partage amitiĂ©s Merci Ă  toi d'ĂȘtre toujours la Ă  me lire Ça me touche. Bisous

l automne on voit tout le temps, en automne, quelque chose qui vous la classe de cm b. les poésies par thÚme · poésies d' automne . voici la deuxiÚme séries de poésies pour la classe de cm/cm. c'est le thÚme de l' automne pour cette foisci, l'illustration se fera donc avec Vu sur sur cdn.pass-education.fr
28 septembre 2008 7 28 /09 /septembre /2008 2040 L’automne On voit tout le temps, en automne, Quelque chose qui vous Ă©tonne, C’est une branche, tout Ă  coup, Qui s’effeuille dans votre cou. C’est un petit arbre tout rouge, Un, d’une autre couleur encor, Et puis, partout, ces feuilles d’or Qui tombent sans que rien ne bouge. Nous aimons bien cette saison, Mais la nuit si tĂŽt va descendre ! Retournons vite Ă  la maison RĂŽtir nos marrons dans la cendre. Lucie Delarue-Mardrus Published by Les CE2 - dans PoĂ©sie
Chansond'automne Les sanglots longs Des violons De l'automne Blessent mon coeur D'une langueur Monotone. » Lire la suite. Vous aimerez peut-ĂȘtre : Street art quimper : chut. PoĂ©sie : le temps prĂ©sent. PoĂ©sie : le sourire. PoĂ©sie : le bonheur. PoĂ©sie : la priĂšre de l'arbre . PoĂ©sie 1er mai : une clochette de tendresse. L'Ă©cole est fermĂ©e -
[invitĂ© de la revue] Qu'est-ce que la poĂ©sie ? ou que dire de la poĂ©sie* Jean-Michel Maulpoix Article reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur "Les prĂ©tendues dĂ©finitions de la poĂ©sie ne sont, et ne peuvent ĂȘtre, que des documents sur la maniĂšre de voir et de s'exprimer de leurs auteurs" Paul ValĂ©ry La poĂ©sie est mal aimĂ©e de la critique. Elle constitue un objet d’étude difficile Ă  cerner, en constante mutation Ă  travers l’histoire, et sur lequel la thĂ©orie a peu de prise. Bien qu’elle donne lieu Ă  ces nettes dĂ©coupes de langue qu’on appelle poĂšmes, si solidement Ă©tablis dans leur forme propre qu’on n’y pourrait changer un seul mot, il semble qu’elle refuse toujours de s’enclore. De sorte que parler de la poĂ©sie conduit la plupart du temps Ă  tenir un discours mal appropriĂ© trop technique ou trop subjectif. Le thĂ©oricien dĂ©sireux de construire un systĂšme rigoureux doit se rĂ©signer Ă  une navrante dĂ©perdition d’efficacitĂ© critique. Comment, pour la dĂ©crire, pourrait-on se satisfaire des formules qui fleurissent dans les manuels, telles que chant de la nature », cĂ©lĂ©bration des dieux », expression des sentiments personnels » ou dĂ©rĂšglement du langage » ? Ce sont lĂ  autant de stĂ©rĂ©otypes qui Ă©touffent les enjeux vĂ©ritables de l’écriture. Sans ĂȘtre tout Ă  fait dĂ©pourvus de sens, ils nĂ©gligent les singularitĂ©s. L’indĂ©fini y trouve refuge. Par les discours qu’on tient sur elle, la poĂ©sie se voit dissoute dans les gĂ©nĂ©ralitĂ©s, plutĂŽt que placĂ©e au centre d’une rĂ©flexion cruciale sur le langage. Les Dictionnaires de poĂ©tique » n’offrent guĂšre pour leur part que des outils qui facilitent l’observation des formes, sans ouvrir de vĂ©ritable accĂšs Ă  la question du sens
 À maints Ă©gards, la poĂ©sie reste l’orpheline de la critique. C’est plutĂŽt dans l’Ɠuvre mĂȘme des poĂštes, sur les marges ou au cƓur de leurs poĂšmes, que des clefs nous sont proposĂ©es les prĂ©faces de Victor Hugo, les lettres de Rimbaud, les Divagations de MallarmĂ©, les Cahiers de ValĂ©ry, la Correspondance ou les ElĂ©gies de Rilke, etc
 Il n’existe pas, Ă  ma connaissance, de sĂ©rieuse Ă©tude des discours critiques sur la poĂ©sie. Nulle histoire, Ă  proprement parler, n’en a Ă©tĂ© Ă©crite. Celle-ci pourtant rĂ©serverait d’étranges surprises. On y vĂ©rifierait combien les commentaires oscillent entre subjectivisme, mysticisme, spontanĂ©isme et formalisme ; mais on y dĂ©couvrirait Ă©galement que la poĂ©sie suscite autant de vagues discours que de partis pris tranchants. Tout au long de l’époque moderne, il semble que le fossĂ© n’ait cessĂ© de se creuser entre la rigueur des analyses conduites par les poĂštes eux-mĂȘmes et le caractĂšre approximatif des propos tenus par la tradition universitaire ou par les critiques de profession. Vague au dehors, dur au dedans, est-il un art qui ait vu autant que celui-lĂ  son histoire jalonnĂ©e de querelles, de ruptures et de manifestes, ni qui se soit autant retournĂ© contre lui-mĂȘme ? En procĂšs intense avec elle-mĂȘme, la poĂ©sie doit sans cesse rendre des comptes, s’auto justifier et rĂ©pondre Ă  la question de son pourquoi. Les fulminations de Charles Baudelaire ou d’Arthur Rimbaud contre Alfred de Musset, les propos rageurs de RenĂ© Char contre les paresseux », la vindicte de Francis Ponge contre le lyrisme Ă©lĂ©giaque, le soupçon d’Yves Bonnefoy contre l’image, la radicale mise en cause par Philippe Jaccottet des leurres du poĂ©tique, autant d’exemples qui vĂ©rifient que la poĂ©sie est un terrain d’affrontements, voire un champ de bataille Ă  propos du langage et de ses enjeux
 Cette intransigeance intellectuelle est le fait de poĂštes devant Ă  tout moment rĂ©affirmer bien plus que leur conception de l’art qu’ils pratiquent ou leurs partis pris esthĂ©tiques c’est leur raison d’ĂȘtre mĂȘme qui est en cause. Parce qu’ils touchent Ă  la langue. Parce qu’ils y nouent le subjectif et l’objectif. Parce qu’ils prennent le risque du mensonge et de l’illusion. Parce qu’ils font souvent parler les choses inanimĂ©es et les morts. Parce qu’ils se tournent vers autre chose, sur quoi la raison n’a pas prise. Parce qu’ils se laissent conduire par la chair et Ă©crivent sans autre contrĂŽle que celui de leur propre vigilance
 Une fois reconnus ces enjeux que l’époque moderne a mis en pleine lumiĂšre, il n’est pas Ă©tonnant que la poĂ©sie se dĂ©robe Ă  toute dĂ©finition
 Son objet n’existe que dans le travail mĂȘme qu’elle accomplit, tel une cible mouvante que chaque poĂšme localise Ă  sa façon sans l’atteindre jamais. Nul ne peut prĂ©tendre dĂ©finir la poĂ©sie, si au sens strict cela consiste Ă  en dĂ©gager l’essence, et donc Ă  dire ce qu’elle ne peut pas ne pas ĂȘtre. L’écriture poĂ©tique a pour principe de toujours passer outre il s’agit de brĂ»ler l’enclos », affirmait RenĂ© Char. Pourtant, il est aussi dans la vocation de la poĂ©sie de travailler sans cesse Ă  se dĂ©finir, se redĂ©finir. Ainsi que l’écrit Michel Deguy l’inquiĂ©tude de la poĂ©sie sur son essence habite la poĂ©sie dĂšs son commencement grec. » Elle est Ă©trangement ce travail Ă  la fois aveugle et inquiet du langage qui ne peut que chercher toujours Ă  en savoir plus sur ce qu’il fait et sur ce qui se joue en lui. À travers les propositions formelles du poĂšme, elle remet Ă  la fois la langue en jeu et sa propre existence en question. C’est Ă  coup sĂ»r l’un des traits particuliers de la modernitĂ© que d’avoir dĂ©gagĂ© la poĂ©sie de motivations extĂ©rieures, telles que la morale » et l’enseignement », pour la conduire Ă  se pencher de plus en plus sur elle-mĂȘme s’observer, se scruter, se dĂ©crire
 Égarant ses anciens repĂšres, ils l’ont mise hors d’elle-mĂȘme, hors du vers par exemple, voire hors du poĂšme. Sortie du bien et du beau, ils l’ont retournĂ©e contre le poĂ©tisme ». Ils lui ont fait jeter ses richesses aux orties. Ils l’ont dĂ©nudĂ©e, simplifiĂ©e, aplatie Ă  l’extrĂȘme. DĂ©sireuse d’isoler ce qui lui est spĂ©cifique, pour savoir davantage ce qu’elle peut et ce qu’elle est, la poĂ©sie moderne a exaspĂ©rĂ© sa propre dimension critique. Plus problĂ©matique » que jamais, elle a engagĂ© elle-mĂȘme le procĂšs de ses excĂšs, jusqu’à remettre durement en cause certains de ses plus anciens attributs l’image, le sentiment, l’espĂ©rance, la cĂ©lĂ©bration
 Chez quelques-uns de nos contemporains les plus lucides, elle s’est voulue possible autrement en prenant Ă  rebours les excĂšs et les chimĂšres dont elle avait depuis longtemps fait son ordinaire, sans rien sacrifier cependant de ce rapport singulier Ă  l’inexprimable qu’elle autorise, voire en le renforçant par un implacable travail de mise Ă  nu de la parole. On pourrait aussi bien dire que le poĂšte moderne ne cesse d’en finir, ou qu’il continue en s’efforçant d’en finir en retournant la poĂ©sie contre elle-mĂȘme, il en Ă©prouve la rĂ©sistance. Comme l’écrit encore Michel Deguy La poĂ©sie est suspendue ; mise en question, aujourd’hui par elle-mĂȘme au centre d’elle-mĂȘme. » Il semble que l’on puisse ainsi observer, au long de la modernitĂ©, une pression croissante du questionnement philosophique dans la poĂ©sie la question de son sens et de sa raison d’ĂȘtre se voit posĂ©e par le poĂšte dans le poĂšme mĂȘme qui en vient parfois Ă  ne plus exister qu’à travers ces questions. Voici, Ă  titre d’exemple, un extrait d’À la lumiĂšre d’hiver de Philippe Jaccottet Parler est facile, et tracer des mots sur la page, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, est risquer peu de chose un ouvrage de dentelliĂšre, calfeutrĂ©, paisible on a pu mĂȘme demander Ă  la bougie une clartĂ© plus douce, plus trompeuse, tous les mots sont Ă©crits de la mĂȘme encre, fleur » et peur » par exemple sont presque pareils, et j’aurai beau rĂ©pĂ©ter sang » du haut en bas de la page, elle n’en sera pas tachĂ©e, ni moi blessĂ©. Que la poĂ©sie moderne rĂ©flĂ©chisse ainsi Ă  haute voix ne signifie pas qu’elle soit devenue spĂ©culative elle l’a Ă©tĂ© largement aux temps classiques et romantiques, mais qu’elle est plutĂŽt de plus en plus spĂ©culaire toute attachĂ©e Ă  la mise en Ɠuvre de la rĂ©flexivitĂ© interne au langage. ProcĂ©der au nettoyage de la situation verbale » la cĂ©lĂšbre formule de Paul ValĂ©ry rĂ©sume assez bien cette exigence. OĂč la philosophie dĂ©finit des concepts, la poĂ©sie dĂ©coupe des objets de langue oĂč se renouvelle notre entente du rĂ©el, du sujet et du langage. Je ne peux trouver Ă  la poĂ©sie de raison d’ĂȘtre plus Ă©vidente que le simple fait que nous soyons des crĂ©atures qui parlent. Par cette parole humaine qui nous constitue, nous nous tenons au bord du monde, d’une tout autre maniĂšre que les animaux, liĂ©s et sĂ©parĂ©s, Ă  la fois immergĂ©s en lui et y faisant face, aussi curieux de ce qui existe que tracassĂ©s par ce qui n’existe pas. Puisque nous sommes des crĂ©atures parlantes, taraudĂ©es par le dĂ©sir et le souci, une place s’est faite en nous pour ces espĂšces de notions Ă©tranges que sont l’idĂ©al, l’absolu, l’impossible ou l’éternité  La poĂ©sie existe parce que le langage articulĂ© inscrit en vĂ©ritĂ© en nous beaucoup plus que ce que nous pouvons dire, ou parce que les mots ne sont pas une simple monnaie d’échange, mais nous portent au-delĂ  de ce que nous pouvons penser ou saisir. Elle est par excellence le lieu oĂč s’articule notre insatisfaction, notre contradiction. Elle trace, de poĂšme en poĂšme, nos lignes de fuite et donne Ă  entendre notre marche boiteuse et contrariĂ©e. RĂ©el et idĂ©al, coupure et liaison, avancĂ©e et retournement, chercherie et trouvaille, voilĂ  autant de couples de notions opposĂ©es que le travail poĂ©tique ne cesse de confronter, tirant de leur contradiction sa force. Le poĂšme est la scĂšne sur laquelle vient se jouer le drame de l’expression propre Ă  la crĂ©ature parlante. On y voit la langue se dĂ©battre. On y entend l’effort de la crĂ©ature pour s’orienter dans son propre inconnu. Souvenez-vous, par exemple, de l’étrange ouverture de La Jeune Parque de Paul ValĂ©ry Qui pleure lĂ , sinon le vent simple, Ă  cette heure Seule, avec diamants extrĂȘmes ?
 Mais qui pleure, Si proche de moi-mĂȘme au moment de pleurer ? Loin donc de m’attacher ici Ă  quelque improbable dĂ©finition de la poĂ©sie, j’ai choisi de la dĂ©crire aux prises avec les forces contraires qu’elle met en jeu. DĂ©crire ce que je pourrais appeler ses faits et gestes, en observant quelques-uns de ces couples de notions qui reviennent avec insistance sous la plume des poĂštes. Telle sera ma façon, nĂ©cessairement limitĂ©e, de rĂ©pondre Ă  l'inĂ©puisable question Qu'est-ce que la poĂ©sie ? 1. Avancer / se retourner Quiconque ouvre une anthologie de poĂ©sie ne peut qu’ĂȘtre frappĂ© par l’insistance de deux motifs apparemment antagonistes l’en-avant et le retournement. D’un cĂŽtĂ© une cĂ©lĂ©bration de l’éveil, du dĂ©part et de l’en allĂ©e, orientĂ©e vers le futur. De l’autre, une mĂ©lancolie crĂ©pusculaire, tournĂ©e vers la remĂ©moration du passĂ©. Parfois Ă©troitement conjuguĂ©s l’un Ă  l’autre comme dans le cĂ©lĂšbre poĂšme de Victor Hugo Demain dĂšs l’aube », ces deux motifs ont une valeur structurelle forte ils nous renseignent sur les enjeux de l’expĂ©rience lyrique. Ces deux motifs sont prĂ©sents dĂšs le mythe d’OrphĂ©e que la poĂ©sie occidentale n’a cessĂ© de reprendre et de styliser, reconnaissant de longue date en lui quelque chose comme la fable de ses origines. On se souvient qu’aprĂšs avoir perdu Eurydice, morte de la morsure d’un serpent, OrphĂ©e descendit avec courage aux Enfers dans l’espoir de la ramener. Il y charma de ses chants le passeur, adoucit les trois Juges des Morts, suspendit les supplices des damnĂ©s, et finit par obtenir du cruel HadĂšs la permission de ramener son Ă©pouse parmi les vivants. À cela, HadĂšs mit une condition qu’OrphĂ©e ne se retourne pas jusqu’à ce qu’Eurydice soit revenue sous la lumiĂšre du soleil. Or, par coupable impatience, OrphĂ©e ne tint pas sa promesse entrevoyant la lumiĂšre du jour, il se retourna pour s’assurer que sa compagne le suivait et il la perdit pour toujours. C’est alors que commença la douloureuse errance qui fit de lui ce chanteur Ă©plorĂ© capable d’entraĂźner Ă  sa suite ces vies muettes que sont les arbres et les animaux sauvages
 Tel que ce mythe le laisse entendre, le chant d’amour naĂźt de la perte pour ramener Ă  la lumiĂšre l’Objet perdu, la poĂ©sie va parmi les ombres et traite avec elles. Il peut arriver qu’elle les charme et soit tout prĂšs de les vaincre ou de les convaincre
 Elle ne descend pas aux Enfers par esprit de conquĂȘte, mais par amour, pour tenter de sauver l’amour
 Son en-avant perpĂ©tuel a pour origine un regard tournĂ© vers la mort. La voix errante » d’OrphĂ©e prend appui sur le vide. Elle est celle du premier grand Ă©chec », tel qu’il fonde la lyrique. Tordu comme un thyrse, OrphĂ©e est Ă  la fois mĂ©moire et prophĂ©tie il invente Ă  partir d’une perte. Le veuf inconsolable est aussi un civilisateur on l’a dit lĂ©gislateur, philosophe, inventeur Ă  la fois de l’alphabet, de la musique et de la poĂ©sie. PremiĂšre figure de la rĂ©flexivitĂ© Ă©lĂ©giaque, il transforme sa solitude fatale et dĂ©sespĂ©rĂ©e en dons pour la communautĂ© des hommes. Il est donc celui qui retourne la perte en don. Aux Enfers dĂ©jĂ , sa douleur et son chant avaient eu la capacitĂ© d’émouvoir les ombres sans consistance une communautĂ© fugace avait pu se crĂ©er autour de sa douleur. À partir d’une sĂ©paration, il suscite du rapprochement.. Il remembre ce qui s’est disjoint. Il rappelle ce qui s’est perdu. Sa lĂ©gende raconte une histoire de mots et de crĂ©atures qui affluent autour d’un chant. Son pĂšre naturel Oeagre Ă©tait un dieu-fleuve. À l’instar d’OrphĂ©e, le poĂšte apparaĂźt d’abord comme un homme qui se retourne OrphĂ©e vers Eurydice, Villon vers les neiges d’antan », Du Bellay vers son Petit LirĂ©, Lamartine vers la voix d’Elvire, Baudelaire vers le vert paradis des amours enfantines , Rimbaud cherchant la petite morte derriĂšre les rosiers », Apollinaire au fil du Rhin, voyant se dĂ©fleurir les cerisiers de Mai » qui se figeaient en arriĂšre », ou encore s’exclamant Je me retournerai souvent »  Telle est la dĂ©clinaison assidue d’un ubi sunt qui alimente la dimension Ă©lĂ©giaque de l’écriture OĂč sont nos amoureuses ? », Que sont nos amis devenus ? »  La poĂ©sie dit aussi bien “ je me souviens ” que Nevermore »  Que voit, que montre le poĂšte en se retournant ? Ce qui naguĂšre fut rĂ©uni une conjonction, une conjoncture. C’est vers des liens qu’il se retourne, aussi bien que vers des lieux ou vers un temps. Le retournement sollicite conjointement l’espace et le temps. Il est un travail de mĂ©moire. Ainsi le poĂšte s’avĂšre-t-il, selon la formule de MallarmĂ©, le Montreur des choses passĂ©es », celui qui donne Ă  voir le temps, un professeur de finitude. Son regard se porte sur ce qui n’est plus, aussi bien que sur ce qui est destinĂ© Ă  s’éteindre. Pour Nietzsche pourtant, ce retournement est aussi une façon d’allĂ©ger la vie Les poĂštes, Ă©tant donnĂ© qu’eux aussi veulent allĂ©ger la vie Ă  l’homme, dĂ©tournent leur regard du prĂ©sent pĂ©nible ou aident le prĂ©sent Ă  prendre, par une lueur qu’ils font briller du passĂ©, des couleurs nouvelles. Pour y rĂ©ussir, il leur faut ĂȘtre eux-mĂȘmes Ă  beaucoup d’égards des ĂȘtres tournĂ©s en arriĂšre en sorte qu’ils peuvent servir de pont, pour mener Ă  des Ă©poques et Ă  des idĂ©es trĂšs lointaines, Ă  des religions et Ă  des civilisations mourantes ou mortes. »[1] Ces Ă©poques, ces idĂ©es trĂšs lointaines » dont parle Nietzsche, c’est ce que Pascal Quignard appelle le jadis[2]. Il observe que les plus anciennes figurations humaines sont des rĂ©trospections.[3] Un prĂ©sent intense est du jadis vivant » Ă©crit-il. Sans doute la poĂ©sie a-t-elle pour fond la nostalgie. Nostalgie du jadis et du naguĂšre, nostalgie du perdu, de l’origine, de l’impossible. Nostalgie » provient d’un mot grec, nostos, qui signifie retour ». Comme l’écrit encore Quignard le nostos est le fond de l’ñme. La maladie du retour impossible du perdu – la nostalgia – est le premier vice de la pensĂ©e, Ă  cĂŽtĂ© de l’appĂ©tence au langage. »[4] Ce sont de trĂšs vieux liens qui dans la poĂ©sie ne cessent de se dĂ©nouer et de se renouer chant d’amour de la mĂšre, berceuse par quoi les mots se voudraient de souffle et de chair, chaleur du discours et lyrisme donc
 Il appartient au poĂšme, par sa musique comme par ses images, de nous lier encore Ă  ce qui a disparu. Le poĂšte ne se contente pas d’évoquer, de veiller ou de commĂ©morer avec nostalgie le jadis, il le travaille comme une substance vivante, un matĂ©riau prĂ©cieux, mental et verbal il en rĂ©veille l’éclat perdu, il en dessine la scĂšne, il le ramĂšne vers le prĂ©sent, jusqu’à la prĂ©sence. Ce jadis, c’est l’originaire, le fondateur, c’est-Ă -dire l’assise obscure de l’existence du sujet, aussi bien que la mĂ©moire enfouie de la culture. A la façon du baiser du Prince, l’écriture rĂ©veille une mĂ©moire heureuse, aussi bien qu’un jadis endormi dans la langue, dissimulĂ© par exemple dans l’étymologie des mots, la rĂšgle syntyaxique, ou dans les mythes et les symboles auxquels s’accordent les images
 Mais si le jadis est de l’originaire, se retourner, c’est aussi bien recommencer. RĂ©pĂ©ter la façon dont le chaos fut ajointĂ© en monde. C’est reproduire la genĂšse de la personne et de son dĂ©sir, aussi bien que celle, toujours imaginaire, de la terre mĂȘme oĂč nous vivons. Et c’est encore regarder vers le pourquoi du poĂšme. En poursuivre l’indĂ©finie chercherie. Chercher » sera donc mon deuxiĂšme motif
 2. Chercher / trouver Nous nous souvenons qu’au Moyen-Ăąge, le poĂšte Ă©tait dit troubadour ou trouvĂšre, c’est-Ă -dire trouveur. Les romantiques faisaient encore de lui un Ă©lu, un inspirĂ© recevant de la nature et de la rĂȘverie cette espĂšce de parole heureusement trouvĂ©e » que naguĂšre lui dispensaient les muses. DĂ©concerter par la surprise comme le souhaitait Baudelaire, ĂȘtre un inventeur d’inconnu comme le voulait Rimbaud laisser la place Ă  la trouvaille » comme le rĂ©clamait Apollinaire, ce sont lĂ  quelques-uns des motifs qui placent la poĂ©sie au plus prĂšs du don gratuit, telle un phĂ©nomĂšne d’entente et de rĂ©ception singulier, dĂ©pourvu de cause prĂ©cise. Cette grĂące de la trouvaille, appliquĂ©e cette fois au monde extĂ©rieur, constitue d’ailleurs un des sujets prĂ©fĂ©rĂ©s de l’écriture poĂ©tique qu’il s’agisse de l’éveil de la nature, de l’apparition soudaine d’une figure aimĂ©e ou de l’objet trouvĂ© » cher aux surrĂ©alistes, elle privilĂ©gie les imprĂ©visibles points de rencontre, les instants oĂč la trajectoire ordinaire de la vie se voit tout Ă  coup traversĂ©e par quelque Ă©merveillement. Mais si le poĂšte est trouveur, il est aussi chercheur. Curieusement, l’une des Ă©tymologies parfois proposĂ©es du mot rime » le rapproche non de rythme mais du verbe latin rimare » qui signifie rechercher, examiner avec soin ». Il va, il court, il cherche. Que cherche-t-il ? » Ă©crivait Baudelaire Ă  propos du peintre de la vie moderne » Que cherche donc la poĂ©sie, sinon, comme Henri Michaux, Ă  approcher le problĂšme d’ĂȘtre » ? En posant des questions qui portent moins sur l’ĂȘtre que sur la circonstance OĂč sommes-nous ? » Quand sommes-nous ? » Ainsi de Rilke demandant dans sa cinquiĂšme ÉlĂ©gie OĂč donc, oĂč est le lieu ? » , ou Verlaine faisant dialoguer l’ñme et le cƓur dans la septiĂšme Ariette oubliĂ©e » des Romances sans paroles Mon Ăąme dit Ă  mon cƓur Sais-je Moi-mĂȘme que nous veut ce piĂšge D’ĂȘtre prĂ©sents bien qu’exilĂ©s, Encore que loin en allĂ©s ? ­ Moins chantante qu’interrogative, moins inspirĂ©e que questionneuse, la poĂ©sie moderne est un tissage de mots dans la perplexitĂ©. Par la prĂ©cision de ses tours, elle entrouvre un peu la langue sur notre ignorance. Peut ĂȘtre dit poĂšte, celui qui nous rappelle, dans le vif du langage, que ce monde n’est pas maĂźtrisĂ©. Celui qui nous rouvre en sa profondeur cet espace que nous croyions fermĂ©. Celui qui nous invite Ă  nous remettre en chemin. Celui qui nous enjoint d’exister, tout simplement. Que reste-t-il ? Sinon cette façon de poser la question qui se nomme la poĂ©sie » Ă©crit Philippe Jaccottet dans ÉlĂ©ments d’un songe. Il illustre Ă  nouveau ce motif dans un texte d’A la lumiĂšre d’hiver intitulĂ© Autres chants » dont voici un extrait Cherchons plutĂŽt hors de portĂ©e, ou par je ne sais quel geste, quel bond ou quel oubli qui ne s’appelle plus ni chercher », ni trouver » C’est ainsi Ă  une espĂšce de retournement radical que la modernitĂ© nous donne Ă  assister l’inspirĂ© naguĂšre protĂ©gĂ© des dieux est devenu l’ĂȘtre perplexe qui protĂšge la question. Dans un de ses essais, Heidegger affirme Etre poĂšte, c’est mesurer »[5]. La poĂ©sie, en effet, est un langage mĂ©trĂ©, qui arpente le site de l’habiter » humain, dans l’entre-deux du ciel et de la terre ». La crĂ©ature y prend la mesure de ce qui lui appartient et s’y mesure Ă  ce qui la dĂ©passe. Elle tourne son regard vers les ĂȘtres et vers les objets du monde proche, aussi bien que vers d’invisibles lointains ou vers les hauteurs de l’azur. Mesurer l’entre-deux, tel serait le travail du poĂšte dont le parcours est familier autant que pĂ©rilleux puisqu’il lui faut dire les choses ordinaires de la vie aussi bien que s’acheminer vers des rĂ©gions extrĂȘmes oĂč s’égare le sens. Le pĂ©ril encouru par le poĂšte serait de perdre le bon sens et de s’égarer dans l’insensĂ©. De se trouver, par exemple, comme Rimbaud, le passant d’un Enfer, la victime d’une folie
 Car le parcours du poĂšte est bien diffĂ©rent de celui du philosophe. Quand celui-ci se fixe pour objet de retracer les limites qui bornent la condition humaine, il s’attache d’abord mĂ©thodiquement Ă  faire tomber les illusions. Quand il demande Que peut un homme ? », c’est en se dĂ©tournant avec fermetĂ© de l’impossible. La poĂ©sie reste au contraire au contact de l’illusion, elle s’écrit Ă  partir de ce qui perturbe, inspire, mobilise et met en crise le sujet le sentiment, la passion, la sensation
 La raison n’est pas son maĂźtre. La poĂ©sie cherche Ă  savoir Ă  travers une inflammation. Elle tend vers la clartĂ©, mais reste solidaire des tĂ©nĂšbres. Son objet n’est pas de fixer des conduites, ni de prescrire des bornes, mais plutĂŽt de savoir Ă  travers quelles sortes de vacillements nous nous tenons debout. Il me semble en dĂ©finitive que l’enjeu de la chercherie ne soit ni plus ni moins que la raison d’ĂȘtre. En sa visĂ©e ultime, et quel que soit son prĂ©texte, son point de dĂ©part plus ou moins circonstanciel, la poĂ©sie ne vise rien moins qu’à réévaluer sur le vif dans le vif d’une expĂ©rience nos raisons d’ĂȘtre. En tenant le rĂ©el et l’idĂ©al vis-Ă -vis l’un de l’autre, en confrontant sur l’axe du temps ce qui est, ce qui a Ă©tĂ©, ce qui pourrait ĂȘtre, en faisant donc la somme du possible et de l’impossible, la poĂ©sie fait valoir et Ă©value nos raisons de vivre. Elle Ă©volue du cĂŽtĂ© de la valeur. Ou elle tend vers la valeur. Faire en sorte que cette vie soit un peu moins absurde, voilĂ  ce que l’on pourrait demander au poĂšte. Ne l’embellissez pas artificiellement, ne nous trompez pas sur la vĂ©ritĂ© des choses, mais montrez-nous plutĂŽt de quelle pĂąte nous sommes faits et combien il entre de rĂȘve et de dĂ©sir dans la composition de nos jours. Expliquez-nous d’un mot, dans le regard de la passante, les conditions de l’espĂ©rance et de l’amour. Dites-nous ce qu’est le temps de vivre et de mourir. EmpĂȘchez-nous donc de nous perdre et de nous jeter dans ce qui nous dĂ©vore. On ne doit attendre rien moins du poĂšte que la vĂ©ritĂ© toute nue et tout entiĂšre, non pas abstraite et gĂ©nĂ©rale, mais concrĂšte et radicale, et telle surtout que s’y trouvent ainsi réévaluĂ©es nos raisons de vivre. Au poĂšte d’établir l’espace oĂč puissent entrer la plainte et la louange tenir le langage de la valeur et du sentiment. Au poĂšte d’instaurer la rĂ©sistance du mĂštre au chiffre, de la mesure Ă  la spĂ©culation et du rythme de la parole humaine aux bruits de la technique et du nĂ©goce. Au poĂšte de faire montre d’une certaine tenue autre forme de rĂ©sistance dans ce qui existe aussi bien que de ce qui existe cohĂ©sion et cohĂ©rence, en dĂ©finitive, de l’ĂȘtre et du milieu en son parler soutenu. Au poĂšte de montrer les liens, puisque l’homme Ă  travers l’histoire n’a fait qu’accroĂźtre la distance et la sĂ©paration. Ce motif constituera le dernier temps de mon dĂ©veloppement
 3. Couper / lier Depuis le milieu du XIXĂšme siĂšcle, la part de la coupure n’a cessĂ© de s’accentuer dans la poĂ©sie. Ecrit au couteau,[6] ce titre de Christian Prigent est Ă  maints Ă©gards emblĂ©matique du geste poĂ©tique moderne oĂč la conscience critique et la sĂ©paration ont pris le pas sur la parole inspirĂ©e et chantante. Coupure, plutĂŽt que couture, tel serait le sort moderne Le fragment, il faut le faire. Casser, fracturer, fragiliser, tracer l’arĂȘte affaire de dĂ©cision tranchante de coupures Ă©crire.[7] PrĂ©sente cependant dĂšs la fable originaire de la poĂ©sie occidentale, avec la tĂȘte coupĂ©e d’OrphĂ©e, la coupure est en vĂ©ritĂ© inhĂ©rente Ă  tout travail d’écriture poĂ©tique. Elle en conduit le rythme syncopĂ©. Les poĂšmes sont des objets de langue nettement dĂ©coupĂ©s des objets dont on pourrait dire qu’ils font image sur la page car c’est Ă  l’Ɠil qu’ils se donnent pour commencer. A la diffĂ©rence du romancier, le poĂšte travaille par arrĂȘts frĂ©quents » il lui faut renouer sans cesse avec des commencements de langue, Ă©tablir un nouveau rapport Ă  l’originaire. La poĂ©sie est une langue mise en coupe, et qui brise la prose usuelle par l’interruption, la segmentation des vers qui sont comme autant de segments ou de phrases plus ou moins rompues, emportĂ©es dans une tourne ». C’est par l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©, la juxtaposition, l’anacoluthe et toutes sortes de court-circuits que la poĂ©sie prend les armes contre la rhĂ©torique et parvient Ă  Ă©lectriser le langage. Au ciseau des figures, elle Ă©vide ou fait saillir des creux, des bosses, des lignes de force. Faite d’élans, de surprises et d’intensitĂ©s, l’expĂ©rience poĂ©tique impose elle-mĂȘme Ă  l’existence une espĂšce de violente scansion, ponctuĂ©e d’emportements et de chutes. Elle cadre des instants, focalise l’attention sur des objets de rencontre et prend l’exister » sur le fait. Ses Ă©piphanies ressemblent Ă  des flagrants dĂ©lits. Elle espace et fracture la rĂ©pĂ©titive unitĂ© de la vie commune. Ainsi dessine-t-elle ce que Christian Prigent appelle un lieu d’indĂ©cision, un espace d’indĂ©termination du sens, pour tĂ©moigner de ce lieu et affirmer que ce lieu est le lieu spĂ©cifiquement humain »[8] La parole poĂ©tique tient Ă  la connaissance sourde, confuse, obscure
 que l’homme a de ses brisures. Aussi conduit-elle souvent le langage jusqu’à son point de rupture. Elle vient heurter le silence, ou se dĂ©coupe en lui. Tout prĂšs de se taire Ă  son tour. MenacĂ©e de rendre dans le dĂ©lire son dernier couac » je ne sais plus parler » s’exclame Arthur Rimbaud. Peut-ĂȘtre les plus touchants poĂšmes sont-ils ceux oĂč l’on entend une voix tout prĂšs de se briser. Une langue qui se brise ou qui est faite de bris Mon verre s’est brisĂ© dans un Ă©clat de rire », Ă©crit Apollinaire. Pourtant, si segmentĂ©e soit-elle, la parole poĂ©tique demeure un travail de filage. En vĂ©ritĂ©, le poĂšte rivalise avec les trois Parques de la mythologie antique il file la destinĂ©e dans la langue, il la mesure et il la coupe. À moins qu’à l’exemple de PĂ©nĂ©lope il ne cesse de tisser puis de dĂ©tisser sa toile
 La crĂ©ation poĂ©tique a pour fondement la capacitĂ© Ă  discerner, Ă©tablir, multiplier et rĂ©vĂ©ler des rapports. De ces rapports viennent les images. Pierre Reverdy dĂ©finit ainsi l’aptitude du poĂšte Sa facultĂ© majeure est de discerner, dans les choses, des rapports justes mais non Ă©vidents qui, dans un rapprochement violent, seront susceptibles de produire, par un accord imprĂ©vu, une Ă©motion que le spectacle des choses elles-mĂȘmes serait incapable de nous donner.[9] Il s’agit donc de produire une Ă©motion seconde, de nature esthĂ©tique, issue du rapport lui-mĂȘme, et dont la force tient aussi bien au renouvellement de la vision qu’à son extension inattendue voici qu’en ce nouveau phrasĂ©, le rĂ©el se montre Ă  la fois plus large et plus serrĂ©, plus Ă©tendu et plus cohĂ©rent. C’est lĂ  une maniĂšre de rĂ©plique Ă  l’usure du temps quotidien Ă  la monotonie de la rĂ©pĂ©tition, la servitude de la fatalitĂ©. Plus Ă©troitement que tout autre objet littĂ©raire, le poĂšme trame ses motifs au grĂ© de la navette du son et du sens, en mĂ©taphores filĂ©es, assonances, allitĂ©rations, au grĂ© des interruptions et des rĂ©pĂ©titions qui emportent la tourne des vers. Ce faisant, il tisse sur la page une espĂšce de toile sombre, semblable Ă  celle de l’araignĂ©e, et dont les trous et les blancs valent autant que les lignes. En cette toile faite de vers Ă©trangement soudĂ©s les uns aux autres, se laissent prendre, comme dans le piĂšge tissĂ© par l’insecte, quantitĂ© de passants imprĂ©vus la toile du poĂšme est pour les choses du monde un danger, autant qu’une espĂšce de derniĂšre demeure
 Pour dĂ©finir son travail, le poĂšte Jacques Dupin a recours dans ÉchancrĂ© Ă  la mĂ©taphore du ver Ă  soie. L’écriture est "une oeuvre de manducation et de mĂ©tamorphose insatiable, qui n'opĂšre, qui ne s'accomplit que dans la solitude, l'obscuritĂ©, le silence ...." Il reconnaĂźt dans le ver Ă  soie cette maniĂšre qu'ont aussi les mots de ronger le monde "pour accoucher d'une impondĂ©rable et tourbillonnante bouchĂ©e de fil", cette boulimie dĂ©sinvolte qui conduit Ă  manger la feuille pour dĂ©vider le fil, Ă  avaler des monceaux de papier pour juste "l'acuitĂ© d'un trait de soie". Écrire consiste Ă  tirer de soi un "embrouillamini de traces", un "nuage de filaments" qui dĂ©fie la raison et que l'Ă©crivain a pour tĂąche de suivre, sans cĂ©der Ă  "l'obsession de la prise", en acceptant de demeurer dans l'indĂ©cidable. Certes, l'Ă©crivain rĂ©pĂšte sur la page le geste ancien de la Parque, mais il dĂ©vide cette fois un fil alĂ©atoire qui sort de lui et dont il ne connaĂźt que trop l'extrĂȘme fragilitĂ©. VouĂ© Ă  la dĂ©possession, Ă  la disparition et Ă  l'effacement, il rĂšgne le temps de quelques pages sur un dĂ©risoire empire de dĂ©chets comme le ver collĂ© Ă  sa feuille, il fabrique un diaphane dĂ©but de beautĂ©. Et s'il Ă©crit parfois en vers, c'est que sa vie mĂȘme ne tient qu'Ă  ce fil. Sa figure propre n'existe pas il la nie, la piĂ©tine et la consume; elle se diffracte, s'Ă©chancre et se perd... Tel est bien le sort moderne du "sujet" dont Roland Barthes Ă©crivait dĂ©jĂ  dans Le Plaisir du texte qu'il se dĂ©fait dans l'Ă©criture "telle une araignĂ©e qui se dissoudrait elle-mĂȘme dans les sĂ©crĂ©tions constitutives de sa toile". Tout autant que le dehors, ses circonstances, ses objets et ses passants, c’est donc le plus intime et le plus obscur du sujet lui-mĂȘme qui dans cette toile se trouve pris. En filant et en dĂ©coupant la langue, le poĂšte constitue un rythme auquel se reconnaĂźtra sa voix il constitue comme la secrĂšte signature de son identitĂ©. De curieux enjeux psychiques travaillent l’écriture poĂ©tique, ouverte au rĂ©gressif aussi bien qu’à l’en avant, Ă  mĂȘme tout Ă  la fois de rĂ©tablir du fusionnel Ă  travers son systĂšme de rĂ©pĂ©titions que d’accentuer l’expression des coupures. Dans son Apologie du poĂšte », Pierre Jean Jouve la dĂ©finit comme un Ă©tat d’agglutination La PoĂ©sie est une pensĂ©e — un Ă©tat psychique — d’agglutination ; c’est-Ă -dire que des tendances, des images, des Ă©chos de souvenir vague, des nostalgies, des espĂ©rances, y apparaissent en mĂȘme temps et comme collĂ©s ensemble, provenant de hauteurs tout Ă  fait diffĂ©rentes. » [10] Le poĂ©tique conjugue le distinct et l’indistinct, la dĂ©termination l’accentuation, le soulignement, la bordure et l’hĂ©sitation prolongĂ©e. Il semble que ce soit du sein d’une plongĂ©e dans l’indistinct que le poĂšte travaille Ă  rĂ©tablir ou Ă©tablir de la distinction. Il ressaisit de l’ipse dans de l’idem, du singulier dans de l’identique. Mais il est, plus que tout autre celui qui entre et se dĂ©place tout d’abord dans l’indistinct, voire celui qui affronte le plus directement la confusion intime nulle clartĂ© ne s’ouvre pour lui qui ne suppose d’avoir cĂ©dĂ© d’abord Ă  l’illusion. Ecrire poĂ©tiquement consiste donc Ă  coudre de fil noir la page blanche, aussi bien qu’à en dĂ©coudre avec le sens, le non-sens, le rĂ©el, la chimĂšre
 Et c’est encore s’efforcer de recoudre nos dĂ©chirures, nos sĂ©parations, nos blessures. C’est incessamment reprendre ­ et repriser une couture qui se dĂ©fait. C’est rĂ©pĂ©ter ainsi indĂ©finiment le geste qui fut celui de notre naissance. C’est aussi bien se remettre au monde que faire perdurer le lien avec la langue maternelle. S’efforcer de rentrer, de retourner en elle. Parfois se retourner contre elle aller donc et venir, Ă  mi-chemin de la naissance et de la disparition, dans l’entre-deux qui est le nĂŽtre. Écrire, c’est avancer sur un fil, un filet de voix, dans la double ignorance de l’origine et de la fin. C’est dire et questionner la vie entre les deux inconnus qui la bordent. C’est nommer avec prĂ©cision le prĂ©sent, tel qu’il ignore ce qui le prĂ©cĂšde et ce qui le suit. On sait la prĂ©dilection des poĂštes pour les lieux et les moments lisiĂšres ce qui tout Ă  la fois sĂ©pare et relie. Ce qui borde, dĂ©limite, mais peut aussi bien s’ouvrir, Ă  la façon d’une plage, sur l’illimitĂ©. La poĂ©sie est une bordure de langue, qui fait face au dĂ©bordement. Elle dit notre vie bordĂ©e de noir par la mort. La vie dans la lumiĂšre noire de la mort, goutte sombre » au fond de l’encrier. Telle qu’elle nous est infiniment prĂ©cieuse, puisqu’elle doit nous ĂȘtre retirĂ©e. FenĂȘtre de jour entre deux nuits. Entre la terre et moi je rencontre la mort », Ă©crivait AndrĂ© ChĂ©nier. Si je devais parvenir un jour Ă  quelque dĂ©finition du poĂšte ou de la poĂ©sie, celle-ci aurait l’allure d’une mosaĂŻque elle serait faite de morceaux ajointĂ©s, de couleurs et de formes diffĂ©rentes, mais solidaires les uns des autres par quelques cĂŽtĂ©s. Et s’il me fallait rassembler autour d’un motif central les propositions fragmentaires qui la constituent ce ne pourrait ĂȘtre sans doute qu’une question qui serait celle de notre destinĂ©e. Volontiers, je dĂ©finirais le poĂšte comme celui qui reste en Ă©veil dans le temps, plus attentif que tout autre Ă  ce qui passe et change, et dĂ©sireux de retrouver ce qui demeure Ă  travers le passage mĂȘme du temps qui n’est jamais pour lui un milieu impur, mais un espace sensible oĂč toute forme de vie se montre Ă  la fois prĂ©cieuse et menacĂ©e. En mobilisant toutes les ressources de la langue, le poĂšte donne de la prĂ©sence Ă  ce qui s’absente inexorablement ce qui n’existe pas, ou que le temps emporte, ce qui n’est dĂ©jĂ  plus, ou ne sera jamais. Si la tristesse prĂ©vaut dans les poĂšmes, si la pure expression de la joie y est si rare, c’est que la poĂ©sie saisit toute chose dans la fuite mĂȘme du temps. Elle n’a pas affaire Ă  des idĂ©es ni Ă  des concepts. La prĂ©sence n’est pour elle si vive que de se perdre. Un poĂšme est un pont jetĂ© en travers du temps tous les reflets qu’on y peut voir par en dessous sont ceux de son Ă©coulement. PoĂšte celui que rien ni personne ne peut consoler de mourir et que la connaissance de la disparition conduit Ă  s’emparer fiĂ©vreusement du langage pour y fixer ce qui s’efface, aussi bien que pour y filer Ă  tombeau ouvert sur les routes mĂȘmes du temps. [1] Humain, trop humain, Ă©d. DenoĂ«l Gonthier, p. 150. [2] Pascal Quignard, Sur le jadis, Ă©d. Grasset, 2002. [3] Id., p. 107. [4] AbĂźmes, p. 44. [5] “L’homme habite en poĂšte”, Essais et confĂ©rences, coll. Tel, p. 235. [6] PubliĂ© aux Ă©ditions en 1993. [7] Michel Deguy, L’Impair, Farrago Ă©d., 2000, [8] Christian Prigent, À quoi bon encore des poĂštes ?, 1996, [9] Cette Ă©motion appelĂ©e poĂ©sie, op. cit., p. 57. [10] Apologie du poĂšte, Ed. Le temps qu’il fait, p. 9. *Article publiĂ© sur le site de l'auteur Qu'est-ce que la poĂ©sie ? Pour citer cet article Jean-Michel Maulpoix, Qu'est-ce que la poĂ©sie ? ou que dire de la poĂ©sie ? » article reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur, in Le Pan poĂ©tique des musesRevue de poĂ©sie entre thĂ©ories & pratiques PoĂ©sie & Crise » [En ligne], n°0Automne 2011, mis en ligne en octobre 2011. URL. ou URL. Pour visiter le site de l'auteure Jean-Michel Maulpoix & Cie, poĂ©sie moderne, Ă©critures ... Auteure Jean-Michel Maulpoix
Onvoit tout le temps, Ă  l’automne, De quoi te surprendre, Une branche soudaine, Elle te tombe du cou. C’est tout un petit arbre rouge, Un, c’est de nouveau colorĂ©, Puis tout le reste, ton or tombera sans bouger. ï»żPubliĂ© le 30 septembre 2015 L'automne On voit tout le temps, en automne, Quelque chose qui vous Ă©tonne, C'est une branche, tout Ă  coup, Qui s'effeuille dans votre cou. C'est un petit arbre tout rouge, Un, d'une autre couleur encor, Et puis, partout, ces feuilles d'or Qui tombent sans que rien ne bouge. Nous aimons bien cette saison, Mais la nuit si tĂŽt va descendre ! Retournons vite Ă  la maison RĂŽtir nos marrons dans la cendre. Lucie DELARUE-MARDRUS . 663 491 226 280 583 308 28 186

poesie l automne on voit tout le temps